Chapitre 4 – PS – Juin

La maîtresse a fait son bilan sur cette année pas comme les autres: beaucoup d’enfants et parmi eux plusieurs présentant un malaise important durant les premiers mois, le travail de tenue du journal de classe avec moi, et de très nombreux projets du REP, tous plus ou moins intéressants mais engageant l’équipe. Voilà la complexité vraie du métier.

Pour ce qui est du travail avec moi, M dit qu’avec le recul de l’année, elle se rend compte qu’elle a pris de plus en plus de temps pour expliquer aux enfants pourquoi on faisait les choses et ce qu’ils étaient en train d’apprendre.
Elle trouve qu’elle est, elle-même, bien plus sûre d’elle parce qu’elle sait où elle va et que les enfants viennent sereinement à l’école dont ils savent à quoi elle sert.
Pour ma part, cette clarté des apprentissages scolaires me semble beaucoup plus importante en milieu défavorisé qu’ailleurs. Car en REP, seule la maîtresse peut le leur dire et le leur montrer.


M considère que TOUS les enfants de sa classe ont progressé. Les troubles de PAP ont été analysés par les équipes médico-éducatives et le dossier MDPH est en cours. L’accompagnement de la famille est long et délicat. On l’oublie trop souvent: il ne suffit pas de « signaler » un enfant qui ne va pas bien, il y a tous les efforts au jour le jour à mener, et sur l’année. Ily, l’enfant qui se mettait en colère dès que quelque chose ne lui allait pas est maintenant beaucoup plus calme et surtout, il aime venir à l’école. Enfin, le groupe-classe a trouvé sa vitesse de croisière. En voici un exemple sur consigne de dessin en fin d’année.

Tous les enfants ont dessiné, ce qui est un gage d’engagement scolaire.
Il va de soi que l’interprétation de ces dessins ne renverrait pas à des vies de bonheur… Plusieurs enfants ne « peuvent pas » fermer un trait circulaire, signe de représentation stable d’un monde ordonné. Plusieurs enfants redonnent un dessin dont le modèle est d’un adulte ou de grand frère, ce qui dénote une non-confiance dans leur propre habileté et une énorme envie de ressembler à ces grands…
Cependant, de nombreux dessins sont accompagnés d’une SIGNATURE, ligne brisée plus ou moins longue qui simule l’écriture cursive de M. Voilà une vraie évaluation. Ces enfants sont sur la route de l’écrit. Non pas parce qu’ils simulent quelque chose qu’ils ont vu mais parce qu’au moment où ils font ce tracé, ILS DISENT LEUR PRENOM EN LANGAGE INTERIEUR. C’est là que se joue la représentation juste de l’écrit comme modalité du langage. Ce n’est pas une question technique. C’est une question intellectuelle. Ces enfants commencent à « penser » avec des mots écrits.

Lorsqu’une maîtresse travaille l’écrit en PS mais, pour bien faire, n’utilise que l’écriture en capitales, voilà ce qui se passe. Pour elle, c’est simple, son écriture vaut le langage, de la même manière que la cursive, pas de différence. Mais pour un enfant c’est très différent. D’un côté, ils voient des sortes de dessins qui s’accumulent sur une feuille (c’est les capitales) de l’autre, ils voient une trace longue laissée par le stylo et qui ressemble à un « train », comme si quelqu’un prononçait du langage en même temps.

Voilà une PS de REP qui n’avait pas de maîtresse bruitant et utilisant la cursive.

M est très contente et on le comprend, car tous les enfants ont « signé » cette lettre, conscients d’écrire leur prénom. C’est juste, c’est vrai et c’est magnifique.
Sauf qu’on peut faire PLUS. En leur montrant que l’écrit est non pas une question de dextérité (difficulté du tracé) mais une question cognitive (des symboles de ce qu’on entend en matérialisent la durée).

J’en profite pour rappeler qu’un enfant de maternelle qui progresse est rarement un enfant qui réussit. C’est un enfant qui s’intéresse à quelque chose qu’il ne maîtrise pas et qui essaie de s’en emparer.

Ce n’est pas du tout ce qu’on trouve dans le non-Programme 2025.