Objectif 3

Objectif 3 – Echanger et réfléchir avec les autres

C’est le seul objectif qui suppose que les enfants PARLENT, qu’ils produisent et traitent de l’ORAL. Nous voilà donc dans une zone que tout le monde croit connaître. Qu’on a l’impression de connaître depuis toujours. Oui, sauf que. Dans la conception dépoussiérée du langage que j’ai choisie, la production orale n’est que le résultat d’une activité intellectuelle qui s’appelle langage. On est donc obligé de penser la classe différemment.
Vous pouvez (devez ?)  le dire aux enfants pour qu’ils sachent qu’ils sont intelligents au sens de dotés d’entendement, ça va leur permettre de comprendre ce que leur apporte l’école et d’aimer l’école. Exemple en GS : « attention, je vais vous demander de faire quelque chose dans votre tête. Tout le monde peut le faire. Vous allez fermer les yeux et retrouver le titre d’un livre que j’ai lu au début de l’année, en septembre, il y a 6 mois, y’a longtemps. Et je ne vous donne qu’un renseignement : tout petit. Voilà c’est tout. Un livre avec PETIT». C’est un exemple de problème langagier, les enfants adorent, ils se ressentent dotés de cette intelligence fabuleuse. Et vous verrez ce lien fabuleux entre oralisation et réflexion intellectuelle parce qu’ils vont commencer par proposer des titres comprenant expressément le mot « petit »: La toute petite dame, Petit bleu et Petit jaune, Petit Ours Brun... Puis, si vous les laissez réfléchir, vous allez avoir d’autres propositions comme Bébés chouettes, Papa ne veut pas, qui mettent en scène des « petits » mais dont le titre ne contient pas le mot. Et si vous les encourager encore à réfléchir, vous allez avoir des titres comme Le gros chagrin qui raconte l’histoire d’un petit mais qui contient le mot gros dans le titre.  C’est magnifique. En résumé, si vous voulez vraiment travailler le langage en maternelle, faites réfléchir les enfants.
Mais cette première piste de travail ne suffit pas.

Le Programme 2015, délibérément centré sur une école plus juste, cible des capacités partagées par TOUS les enfants. C’est pour ça que le langage est considéré comme une ACTIVITE : ainsi, tous les enfants sont égaux puisqu’on ne juge pas les produits langagiers, on constate que « tel enfant montre des activités intellectuelles quand on lui adresse des mots ou quand il produit des mots ». Sur ce plan, tous les enfants sont égaux.

J’attire votre attention sur le fait qu’en définissant autrement le langage, comme on le faisait avant, l’école redevient, malgré elle, un lieu de sélection. En effet, en considérant que langage est synonyme de produit oral, on attend certaines productions plutôt que d’autres et c’est ça qui différencie les enfants : de la syntaxe complexe plutôt que simple (« j’ai mangé le gouter que mon papa m’avait donné » plutôt que « mangé tout le goûter »), du vocabulaire varié plutôt que restreint (« il est beau le sapin que t’as fait » plutôt que « narbre n’est beau »), des propos clairs et compréhensibles plutôt que des paroles tâtonnantes d’enfants, etc.
Cette question est décisive. Si on ne progresse pas sur l’oral en maternelle depuis 60 ans, c’est sans doute la raison : on attend certains produits, avec toujours les mêmes lunettes. La conséquence est que, malgré nous, nous enseignons en favorisant les enfants qui nous donnent ces produits-là et on écarte les autres.

Ce n’est donc pas les produits langagiers qu’il faut évaluer. Ce sont les activités.
2 conceptions du langage:
si langage = activité partagée par tous, alors évaluation positive toujours possible –> « oh ! c’est génial ce que tu viens de dire ! »
si langage = produit oral, alors évaluation sélection

Pour améliorer l’oral, ce n’est donc ni la syntaxe ni le vocabulaire qu’il faut enseigner. On ne peut pas vouloir que les enfants fassent une phrase, vouloir que les enfants utilisent certains mots. En revanche, on veut effectivement que leur oral progresse pour qu’ils aient le plus de possibilités pour s’exprimer. Le seul moyen qu’on a c’est d’interagir tout le temps avec eux de la manière la plus fine possible. Je vous renvoie à ce que j’en dis dans mon livre. Le plus important est de considérer que vous avez des enfants prioritaires (vous les connaissez sans aucune grille) et que si vous travaillez plus pour eux vous verrez des résultats. Par exemple, pour l’oral, à partir de la MS prendre tous les matins les prioritaires avec un livre pdt 10 mns. Sans rien faire de spécial sinon rebondir. Ces enfants vont investir l’oral parce qu’ils se sentent pris en compte, ça change tout. Et en l’expliquant à toute la classe.

Voici donc la deuxième piste, les bonnes interactions.

La dimension sociale de l’échange va de soi quand les maîtres sont confiants et qu’ils laissent des espaces d’échanges aux enfants.