On sait que parmi les conditions des apprentissages chez les jeunes enfants il y a ce que j’appelle « la belle relation » avec la maîtresse ou le maître. C’est une bienveillance, un accueil chaleureux de M pour chaque enfant, mais pas que. Il y a le fait que M s’intéresse en vrai à chacun d’eux: M montre que son métier est de s’intéresser à ce qu’ils sont, à ce qu’ils font et aux moyens qu’ils utilisent pour grandir sous ses yeux.
Pour y parvenir, en terme de formation à la maternelle, il faut à l’enseignant une double connaissance:
–> avoir des connaissances développementales, c’est-à-dire des repères de ce qui mobilise les enfants sur la durée de 2 à 6 ans. Ces connaissances viennent des recherches et devraient avoir une vraie place dans la formation. On ne peut pas les inventer parce que les jeunes enfants ne fonctionnent pas du tout comme les adultes.
–> avoir une connaissance la plus claire possible des quelques objectifs spécifiques au Langage sur le cursus. Normalement, on devrait trouver ça dans le Programme national. Profitons de cette année 2024, on a encore les restes du programme 2015 qui était ainsi pensé. Si le programme 2025 n’est pas supprimé, les enseignants n’auront plus de boussole…
Et quand les enfants ressentent ces savoirs chez un adulte, ils l’écoutent, le suivent et apprennent.
L’attitude V.I.P. (pages 43-44 de Langage et école maternelle) découle des 2 domaines de connaissances précédents: l’enseignant constatant qu’un enfant essaie de progresser, il utilise sa « grille » mentale de connaissances et adresse à l’enfant 3 renseignements.
1–> Il lui dit que c’est vraiment bien (V de Valoriser), et surtout ne lui dit jamais ni qu’il s’est trompé, ni qu’il ne sait pas, ni qu’il dit n’importe quoi, etc.
2–> Puis il lui envoie un décryptage de la manière dont il a procédé dans son essai. Parfois c’est une action, parfois c’est un morceau d’énoncé, parfois c’est un graphisme, parfois c’est une activité purement intellectuelle. C’est un art chez un enseignant de faire ce renvoi à l’enfant parce qu’il interprète du cognitif invisible. Le I de VIP veut dire Interpréter. Tous les collègues avec qui j’ai travaillé m’ont dit que c’était difficile à faire au début mais que très vite, constatant les effets extrêmement positifs sur l’enfant, cette habitude devenait pour eux une seconde nature.
3–> Enfin, il faut donner des moyens à cet enfant de pouvoir faire-dire autrement car pour l’instant son apprentissage n’est pas « abouti », c’est seulement un essai. C’est le P de VIP qui veut dire « Poser un écart« , c’est-à-dire se débrouiller pour éclairer l’enfant sur nos manières à nous de traiter ce dont il est question. Car ensuite, l’enfant fera quelque chose de cet exemple, ou pas, et si oui il le fera vite ou très lentement, etc, tout cela dépendra de l’enfant et de l’essai en question. Et en maternelle, on a le temps. Le but de VIP est d’être dans la ZPD (Zone Proximale d’Apprentissages, pages 31-38 de mon livre) de cet enfant là et à ce moment là.
L’exemple le plus simple est l’essai d’écriture.
Le M valorise et explique à l’enfant « je crois que je sais ce que tu as fait. Tu as voulu écrire, c’est vraiment super (c’est V). Alors tu as regardé comme je fais moi quand j’écris et tu as vu que ça ressemblait à ça, des vagues, des dents. Tu as raison (c’est I). Et je vais te montrer ce que je fais en vrai. Je vais écrire « XX est un beau petit garçon », regarde (c’est P).
Et c’est pour ça que M doit absolument écrire en cursive, parce que pour l’instant, ce n’est pas le code que l’enfant imite, c’est l’allure sur la feuille. Donc M dit et écrit simultanément, lentement, XX, est, un, beau, petit, garçon. Puis termine en suivant du doigt par une accolade sous chaque mot, XX, est, un, beau petit, garçon. M peut même ajouter « et bientôt toi aussi tu écriras comme ça« . Cela pose le caractère social de l’activité d’écriture dans notre langue.
J’ai théorisé cette attitude en l’empruntant à ce que font les mamans spontanément dans les très nombreux corpus que nous possédons en acquisition du langage. Cette attitude est donc intrinsèquement développementale. Je le rappelle au moment où un texte désincarné et administratif est proposé comme Programme 2025 pour l’école maternelle. Les mamans (et les éducateurs de la petite enfance d’une manière générale) ne fonctionnent jamais à partir de progressions à suivre, n’utilisent jamais de grilles d’évaluation tombées du ciel, ne se demandent jamais si l’enfant sachant faire A il peut faire B. Ce n’est pas du tout du tout comme ça que les adultes interagissent avec les enfants. Et heureusement, ils apprennent.
Vive V.I.P.