Dans cet onglet on est dans les données développementales, les recherches, les corpus descriptifs de progrès enfantins. On est « du côté des enfants ».
Le contenu est réparti en 3 groupes :
1- Des activités symboliques étonnantes et fondatrices
2-Compréhension et production du langage oral
3-Compréhension et production du langage écrit.
Les apprentissages des groupes 2 et 3 sont connus et présents dans le programme 2021 de l’école maternelle. Il s’agit de la progression des enfants dans les activités langagières de l’oral (prises de parole, tenue de discours et progrès dans la langue cible) et dans leurs découvertes et premiers usages de l’écrit (compréhension de l’aspect social de cette dimension langagière, apprivoisement à la « langue de l’écrit », compréhension de textes écrits et première découverte de la manière dont les adultes encodent le langage quand ils écrivent).
Ces données des groupes 2 et 3 permettent de viser respectivement les objectifs 1 à 4 et 5 à 9 du Programme officiel 2021 pour l’école maternelle (voir mon livre Brigaudiot 2022).
Ce n’est pas le cas du groupe 1 : Des activités symboliques étonnantes et fondatrices. Intitulé au nom bien curieux.
Il s’agit d’un essai de nouveau contenu d’apprentissages que je considère comme n’existant qu’en maternelle parce que les élèves y ont entre 2 et 6 ans : sur cette période, les élèves sont des enfants qui ont, en permanence, des conduites très particulières, que seuls les enfants ont.
Je vais partir d’un exemple simple et très fréquent chez les tout petits. Un adulte approche une cuillère d’aliment ou tend un objet à un enfant et le petit tourne la tête en disant « au revoir ». La caractéristique la plus évidente de cette « réponse » de l’enfant est qu’elle ne pose aucun problème de compréhension à l’adulte alors qu’elle correspond à un énoncé qu’aucun adulte ne produirait dans une telle situation : personne ne dit « au revoir » pour dire « j’en veux pas ». Et pourtant, nombreux sont les enfants passant par cette habitude, même si elle ne dure pas très longtemps, parfois quelques jours seulement. Je vais considérer qu’on a affaire à une activité langagière :
– symbolique parce qu’il y a usage d’une « forme » (ici c’est l’expression « aurevoir » comme si c’était un mot) pour renvoyer à un contenu de pensée (ici c’est l’avis du sujet enfant à propos de quelque chose),
– étonnante parce qu’elle n’appartient pas aux habitudes des adultes,
– fondatrice -je pourrais même dire « étonnante et pourtant fondatrice »- parce que de nombreux travaux analysent l’apparition de telles activités comme des « bases » d’autres activités langagières plus tardives. Et cela dans tous les milieux et avec toutes les langues dans le monde. Cela veut dire qu’en maternelle, les enseignants auraient sous les yeux, tout le temps, des conduites qu’ils pourraient interpréter comme des signes de « tout va bien chez cet enfant qui est sur un bon chemin, qui progresse », alors qu’aucun document ne les encourage à voir ces conduites, encore moins à les interpréter. C’est par exemple le cas de ce que font souvent les enfants dans les coins-jeux, parfois déconseillés aux enseignants, parfois conseillés, mais toujours considérés comme un aménagement nécessaire mais « non-scolarisé ». En effet, tout le monde considère que les élèves de maternelle apprennent quelque chose lors des regroupements et dans les ateliers. C’est vrai. Mais pas que.
Revenons à « au revoir » pour dire « j’en veux pas » : les psycholinguistes considèrent ce marqueur comme précurseur de la négation subjective, celle qui signifie « pas bon pour moi » (Danon-Boileau 1994). Autant dire que l’enfant montre ainsi qu’il devient énonciateur puisqu’il met de la subjectivité dans son énoncé. Bravo !, c’est du langage.
On voit à quel point ces auto-apprentissages, « auto » parce qu’ils sont toujours initiés par les enfants eux-mêmes, sont toujours une composante du langage, quand on le définit comme une activité intellectuelle subjective. Cette composante apparaît très différente de ce qu’on a l’habitude d’attendre à ce niveau de la scolarité, des phrases, du vocabulaire, des réussites linguistiques… Mais elle peut passionner les enseignants parce qu’elle nécessite une interprétation intellectuelle de leur part et qu’elle leur indique une sorte de bonne voie d’enseignement puisqu’elle vient des enfants eux-mêmes.
Il me reste à préciser que s’agissant d’un essai théorico-pratique pour la formation, je prendrai du temps : j’essaierai d’inventorier peu à peu ces apprentissages selon 3 groupes d’âge :
– cette année 2023-24 pour la période des 2 – 3 ans,
– l’année suivante 2024-25 pour la période des 3 ans-4 ans et demi,
– l’année suivante 2025-26 pour la période des 4 ans et demi-5 ans et demi.
Pour les collègues qui ont envie ou besoin tout de suite d’avoir des connaissances précises et récentes sur ce qu’on sait des capacités incroyables des jeunes enfants, il faut qu’ils se procurent un manuel de psychologie du développement de l’enfant. Par exemple: Psychologie du développement cognitif de l’enfant (Blaye & Lemaitre).
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