Une année en MS hors REP – sept/oct

Objectif 5

En plus des livres utilisés par M pour les lectures quotidiennes, elle a constitué un groupe de livres avec la volonté de faire travailler les enfants sur les « états mentaux« . C’est en effet cette année qu’ils vont commencer à s’y intéresser. La recherche développementale situe une moyenne autour de 3 ans et demi pour la découverte de ce fait incroyable: les humains ne pensent pas et ne ressentent pas tous la même chose. Les personnages des histoires de fiction aident beaucoup les enfants à comprendre cette diversité. Profitons-en.

Septembre – Octobre: les 2 histoires travaillées en profondeur renvoient à un personnage qui aime beaucoup quelque chose, le cochon Porculus, et un personnage qui n’aime pas quelque chose, Monsieur Lapin.
Porculus, Arnold Lobel, l’école des loisirs
Bon appétit Monsieur Lapin!, Claude Boujon, l’école des loisirs.
Le détail est dans la page Compréhension et production du langage oral , de 3 ans à 4 ans 1/2 .

Objectif 6

L’enseignante de la classe a prévenu les parents à la rentrée qu’ils pouvaient l’aider (et oui ça marche) en donnant de l’importance à tous les écrits que leurs enfants rapporteraient de l’école: carnet de liaison, message individuel, livre de prêt. Elle leur a expliqué que les enfants de MS pouvaient découvrir beaucoup d’aspects de l’écrit si on leur montrait comment on l’utilisait et que ces premières connaissances seraient la base du lire-écrire, notamment au CP. Et oui elle leur a dit tout ça.
La seconde caractéristique de cette classe est qu’elle appartient à une école de 6 classes, ce qui permet aux enfants de PS de rester ensemble sur 3 ans. Evidemment sauf cas particulier. Le maintien d’une cohorte est la règle, le changement de groupe-classe est une exception. C’est ce lien qui scelle le bien-être et la confiance des enfants pour l’école. Ils y sont comme dans une autre famille. Je milite pour cette évidence depuis toujours et je ne comprends pas qu’on puisse faire autrement alors que c’est possible.

Pour l’objectif 6, M fait événement le 10 septembre, en regroupement. La dame de service lui apporte une lettre, devant les enfants.
M – oh, une lettre! regardez
Enfants – tu la lis
M – mais c’est écrit (montre et suit du doigt) « pour la classe des moyens ». Qui peut bien nous écrire?
(pas de réponse)
M – ah je me suis trompée, je lis ce qui est écrit « pour la classe des petits de Sylvie »
Des enfants – on est des moyens!!
M – et oui vous êtes des moyens, alors cette lettre n’est pas pour vous?
E – t’es pas Sylvie
M – ah, alors c’est quelqu’un qui connait Sylvie
Alice – i sait pas qu’on a changé

Remarque: voilà un exemple typique de milieu dit favorisé. Alice a déjà compris depuis un certain temps, que les personnes pouvaient ne pas avoir les mêmes connaissances. Elle infère de l’adresse à Sylvie que l’auteur ne sait pas que les enfants ont changé de classe. C’est très compliqué d’en arriver là mentalement et Alice le fait. Elle est la seule.
C’est pourquoi, dans ce cas, il faut alors renvoyer au groupe la totalité de l’explication. Et éviter de valoriser Alice qui n’a pas grand besoin de ça. Elle restera un moteur de la classe même si M ne le rend pas public.
Tout ceci est une analyse de faits de deuxième ordre qui sont pourtant extrêmement importants dans la question de la réussite vs échec scolaire.

M va continuer avec la lecture de la lettre, signée d’un enfant qui a déménagé avant la fin de l’année scolaire précédente et qui a écrit: Je vais à l’école ici et je suis content. Claudio.
Une grande explication aura lieu à propos de l’endroit où il est et la classe ira voir sur une grande carte où est ce pays appelé Singapour…
Puis les enfants feront des propositions de réponses.
M annonce que les enfants pourront répondre, demain.

Le lendemain, 11 Septembre, Benjamin arrive à l’école, va chercher une feuille, trace, apporte à M et dit « j’ai écrit à Claudio« .

Voilà la vraie évaluation du travail sur l’écrit.
M montre l’écriture au groupe, félicite publiquement l’enfant, explique qu’il a fait comme s’il écrivait et que c’est comme ça qu’on apprend, quand on essaye.
Puis le groupe se met à écrire la lettre de réponse à Claudio.

M – je vais prendre des notes, ça veut dire que j’écoute ce que vous voulez dire à Claudio et j’écris
E1 – est-ce que t’as un chat ou un chien?
E2 – à Singapour y’a une piscine ou tu vas à la mer?
E3 – si il fait du bateau
E4- on a 2 nouveaux copains
M – ah alors ça c’est une information sur votre classe et qu’il ne sait pas. Peut-être qu’il y a autre chose qu’il faudrait lui dire.
E5 – on sait pas
M – vous vous souvenez qu’il avait écrit une lettre pour la section des petits?
E6 – oui il faut lui dire qu’on est chez les moyens!!!
M – parfait je vais écrire tout ça.
M installe une grande feuille verticale devant les enfants et écrit en disant ce qu’elle écrit. Elle relit, demande aux enfants s’ils veulent changer ou ajouter quelque chose.
Enfants – oui! je t’aime bien!!
M l’écrit et propose de signer la lettre comme ils savent.

Cet exercice est très difficile pour des moyens de début d’année. Parce qu’ils doivent se représenter quelqu’un d’absent, et pas dans un lieu qu’ils connaissent, tout en faisant semblant de lui parler. Voilà du vrai langage, dans toute sa complexité. Nombre d’enfants n’auront plus jamais cette expérience.
La lettre a été rédigée le 13 septembre: le 17, la classe est partie la poster.

Objectif 7

M a choisi une chanson – récit pour cette période. D’une part ça raconte une histoire, d’autre part, quand les enfants la sauront par coeur, ils pourront la dicter et là, M pourra attirer leur attention sur tous les signes signifiants de l’écrit. Voici le texte.

Il y avait une pomme,
à la cime d’un pommier,
un grand coup de vent d’automne
l’a fait tomber dans le pré.

« – Pomme pomme
t’es-tu fait mal?
– J’ai le menton en marmelade,
le nez fendu et l’oeil poché
« .

Elle tombe,
ah quel dommage?
sur un petit escargot,
qui s’en allait au village,
sa demeure sur le dos.

Refrain

« Oh stupide créature« ,
gémit l’animal tordu,
 » tu m’as brisé ma toiture,
maintenant je suis tout nu
. »

Refrain et fin

L’objectif 7 est une préparation, de loin, à ce qui va être demandé aux enfants de cycle 2. Afin qu’ils prennent conscience, a minima, du pouvoir que donne la rédaction de texte écrit, on va leur donner la possibilité de participer à une écriture de texte alors qu’ils sont très très loin de pouvoir le faire seuls. La zone proximale est possible lorsque le texte existe déjà dans les têtes des enfants: ils le savent vraiment par coeur. Quand on va leur demander de le dicter, ils vont avoir à construire des liens entre 2 produits inconnus pour eux:
– d’une part la chaîne sonore que produit M en écrivant et qui n’est pas celle de l’oral ni celle de la chanson connue par coeur (c’est de l’oral sans la mélodie, lent, et coupé autrement),
– d’autre part la chaîne écrite qu’ils vont découvrir totalement puisqu’aucun enfant de 3 – 4 ans n’a JAMAIS vu un texte être en train d’être écrit.
Pour que ces 2 découvertes énormes les intéressent il faut vraiment qu’ils sachent le texte par coeur et qu’ils puissent attendre le fait qu’à la lecture de ce qu’ils vont dicter, tout le monde va retrouver la chanson. On fera le test avec des adultes de l’école, et, incroyable, ils vont tous se mettre à dire « il y avait une pomme ».

Déroulement
M commence par annoncer un travail extraordinaire: « quelque chose que vous n’avez jamais fait, qui va pendre du temps. Vous allez apprendre une chanson et quand vous la saurez bien par coeur on l’écrira, vous et moi. A la fin du travail vous aurez une feuille écrite que vous pourrez offrir aux mamans et aux papas et vous leur expliquerez ce que c’est. »
Il faut compter 15 jours de classe pour l’apprentissage par coeur d’un texte long et encore 15 jours pour faire passer des groupes de 3 ou 4 enfants en dictée au maître. Attention, ces activités sont extrêmement difficiles. Il faut donc éviter d’arriver rapidement au résultat alors que ce n’est pas du tout ce qui est recherché. Mieux vaut avancer lentement, avec des moments de 5 à 10 minutes, et repris quelques jours après.

Avant les répétitions de la chanson pour arriver au par coeur de tous, M va raconter l’histoire de la pomme. Il faudra expliquer non seulement le déroulé narratif mais aussi les mots bizarres qu’on entend: « sa demeure », « le menton en marmelade, l’oeil poché »... Il faut que les enfants voient l’histoire dans leur tête.
Il faudra chanter LENTEMENT.

Pendant la dictée, vous savez que M demande sans arrêt aux enfants d’aller moins vite. C’est important. Parce qu’il lui faut aussi le temps de commenter le système de signes utilisé:
« Alors quand on dit Pomme pomme, c’est le refrain, on le dit 2 fois, parce qu’on parle à la pomme, on lui demande si elle s’est fait mal. Alors je mets mettre des guillemets, c’est comme ça « , ça veut dire que quelqu’un parle« .
Ainsi pour les majuscules, les virgules, les points, l’aller à la ligne, le saut de ligne.

Objectif 8

Dès le jour de la rentrée, M a expliqué la grande nouvelle aux enfants, en regroupement. Ils vont découvrir comment on apprend à écrire et à lire!!!

à suivre

Graphisme

Le but des activités décrites ici est de préparer à l’écriture cursive qu’on considère acquise (ça veut dire: l’enfant sait que c’est l’écriture des adultes, il sait que ça lui permet d’écrire tout ce qu’il veut, et il sait que tout le monde peut lire ce qu’il écrit) en fin de GS.
J’ai l’habitude de conseiller aux M de commencer par demander aux enfants de dessiner un bonhomme, de le faire tous, mais sans regarder les copains: « il faut que je sache ce que vous savez faire pour dessiner, ça va m’aider et après je pourrai vous aider« . Cette sorte d’évaluation initiale vous donne énormément de renseignements et les résultats sont TRES VARIES.

On voit que certains enfants commencent tout juste à fermer un espace (bonhomme têtard) alors que d’autres ne le font pas (bonhomme géant). Et on a même des dessins complets avec maîtrise des obliques (cheveux), de l’orientation spatiale (boucles d’oreille), du volume à la place des traits (jambes).
Ainsi, M va montrer rapidement quelques tracés en disant toujours que tout le monde a bien travaillé et qu’elle va aider tout le monde pour que ce soit encore plus beau.
Les séances peuvent être COLLECTIVES après avoir prévenu le groupe que elle, la M, restera à une table différente chaque jour pour bien voir comment les enfants travaillent.
Projets sur 2 mois:
– se regarder dans un miroir et dire les parties du corps, sur quelqu’un, sur soi,
– répondre aux consignes de M pour montrer xxx, yyy…
– faire un bonhomme à plat en pâte à modeler,
– aller voir les dessins affichés par les grands,
– inviter 2 enfants de GS pour leur demander de nous aider en dessinant et parlant devant la classe,
– reconstituer un bonhomme avec des parties découpées en papier,
– continuer une tête de bonhomme déjà commencée mais où il manque des éléments,
– dessiner un bonhomme sous la dictée de M (un grand rond pour le corps, un rond moyen pour la tête…).
Enfin, en atelier de 4 enfants, M leur redonne leurs dessins et discute avec eux sur ce qui est vraiment très bien, ce qui pourrait être encore mieux, ce qui manque. Les enfants gardent leur dessin devant eux et en fait un second en essayant de penser à ca qu’on a dit. Le but est que c’est une surprise pour l’ATSEM qu’un enfant ira chercher: elle dira ce qu’elle voit sur le deuxième dessin!!

Ainsi construit-on le statut de symbole d’un dessin stéréotypé: tout le monde y voit la même chose dans le même groupe social. C’est aussi le cas dans l’écriture.
Les autres dessins – stéréotypes qui jalonneront l’année sont: le soleil, un arbre, une maison et d’autres éléments en fonction du milieu de vie (un bateau ou un tracteur…).

Exemple de 2 dessins à quelques jours d’intervalle et après le langage.

Il faudra inviter les familles pour montrer ces chefs d’oeuvre incroyables.

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