Chapitre 3 – nov / déc

Suivi de la classe au 7 décembre 2023

Une belle glace à la pâte à modeler pour la maîtresse

J’ai regroupé les dernières nouvelles de la classe de M sous les rubriques suivantes :
– présence des enfants,
– langage dont l’oral et les jeux symboliques,
– l’évènement tic-tac,
– l’écrit dont les livres,
– les « cahiers » de la classe et des enfants,
– la sieste,
– le projet anniversaires.

Présence des enfants à l’école

On sait qu’il est difficile, d’une manière générale, d’obtenir une fréquentation importante et régulière en TPS. Pour que les enfants soient presque tous là, et matin et après-midi, les maîtres doivent convaincre les parents que tout le monde est gagnant dans cette régularité : les enfants qui prennent leurs marques dans la classe, avec leurs copains et comprennent vite l’intérêt de ce qui se passe dans ce lieu, les parents qui sont tranquilles sur ce qui se passe à l’école une fois qu’ils savent ce que vise l’enseignant et constatent les progrès de leurs enfants, les maîtres qui connaissent mieux les enfants, organisent leurs actions dans la durée et constituent assez vite un groupe-classe chaleureux. A contrario, une fréquentation irrégulière et réduite à la matinée pose des problèmes aux enfants (qui ne sont pas prévenus de ce qui va leur arriver) et aux enseignants (qui n’ont pas de « suivi » des progrès des enfants).
La maîtresse M a donc fait ce travail d’apprivoisement des familles et voilà où elle en est  sur le taux de présence de ses 20 élèves :
– septembre : 53,4 %
– octobre : 67 %
– novembre : 70,3 %, dont 16/20 présents l’après-midi !!
Les incidences sont importantes : beaucoup d’enfants montrent qu’ils sont bien à l’école et beaucoup de parents sont très contents d’évoquer ce qu’ils constatent comme progrès chez leurs enfants.
Bravo maîtresse !

Petits soucis vis-à-vis des familles : les enfants sont tous fatigués, demandent des câlins, semblent ne pas dormir assez d’où le projet d’allonger peut-être la sieste, d’autre part, les enfants sont hyper nourris de biscuits, soda, compotes, etc, le matin, en arrivant à la sieste et au goûter…

Langage des enfants, dont l’oral et les jeux symboliques

M a rédigé un bilan sous forme de tableau, sans grille d’évaluation, mais en réponse à ma demande à partir de ses seules observations quotidiennes : quelle avancée des enfants, dans leur langage oral, dans leurs jeux et dans leurs relations avec les autres ? Voici donc où en sont les 20 enfants :

–> 7 enfants n’ont pas complètement fini leur « rentrée » : NA tire l’adulte par le bras, pleure parfois, a des craintes dans les activités motrices, tout en aimant beaucoup les poupées, et elle ne parle pas ; YO ne semble pas comprendre ce qui se passe là, tape souvent les autres ; KAT commence à répéter et à s’intégrer ; ME commence à parler avec 2 langues, mais a un problème de santé et ne reviendra qu’en janvier ; MI ne parle pas et reste dans son monde ; MOB est souvent malade et absent, ne pleure plus mais ne joue pas ; ANA commence à moins réclamer sa tante, ne tape plus, commence à participer aux comptines.
CES 7 ENFANTS SONT PRIORITAIRES. Et ce n’est pas simple parce qu’ils n’ont pas les mêmes besoins : souvent deux langues à la maison, parfois sans le français mais pas toujours, fatigue, parfois gros problème de santé, etc .
M va essayer de jouer plus avec eux.
Nous avons inventé, pou eux, l’évènement « moment où la maîtresse joue avec les enfants ». Toujours à la même heure annoncée par M (voir plus bas l’événement Tic-tac), elle va jouer pendant 10 minutes à des jeux symboliques, seule puis en appelant 1 ou 2 enfants, pour jouer sous leur regard c’est-à-dire comme on joue en famille avec un petit, sans rien attendre de lui en particulier, sans poser de questions. Le but est de donner confiance aux enfants qui ressentiront que cette adulte (la maîtresse) montre qu’elle est du côté des enfants et l’apprivoisement prendra du temps. D’où les 10 minutes chaque jour, 10 jours de suite. Car il ne faut pas oublier que les enfants de 2 – 3 ans sont très lents. Il faut leur laisser le temps de comprendre que M joue vraiment et donc d’anticiper ce moment-là chaque jour. Le suivi de cette expérience sera en ligne dans l’onglet Enseignement Vigilances.

–> 5 enfants ont démarré et avancent, même si ça prend du temps : AD commence à parler, a deux copains, mais séparation maman encore difficile ; AL répète quelques mots, joue bien mais demande beaucoup les bras de l’adulte ; EM commence à parler, participe bien mais est très fatiguée ; KA nomme les objets et dessins, aime les livres mais tape et mord souvent les autres  ; KLO ne parle pas mais joue beaucoup et participe à toutes les activités, il est content d’être là.

Voici KLO, dans la cour, qui a trouvé un petit bâton qu’il a trempé dans la boue pour « écrire » sur le mur. Bravo KLO !!



–> 8 enfants sont déjà intégrés et véritablement « en classe » : HA parle bien, invente des jeux symboliques, est autonome et prend l’initiative de ranger ; KO fait de même (voir sa photo, en début de ce chapitre, avec une glace en pâte à modeler qu’il offre à M) ; LI parle à ses copines, invente des jeux symboliques et « investit » les poupées ; MAD parle très bien, invente des jeux symboliques, peut même aider un copain ; MOH parle bien, joue beaucoup, cherche relation avec les autres ; RA commence à parler, étonne sa maman par ses progrès, aime « travailler » avec un adulte ; SI parle, va vers les autres et explore tranquillement ; YA parle, joue et a des copains, n’aime pas prêter.
Plusieurs de ces enfants disent JE! on est contentes.
Et on voit ici le lien entre langage et jeux symboliques, très souvent associés.
Voici 2 exemples précis.
1er exemple : HA téléphone avec le faux téléphone qui est dans la classe depuis la rentrée


2ème exemple : dialogue entre M et MA, qui marche dans la classe.
M – qu’est-ce que tu fais MA ?
MA – j’attends le bus
M – (au bout d’un moment) tu es dans le bus ?
MA – non il est parti ! (= je l’ai loupé, ou j’ai oublié)

L’évènement tic-tac

Il s’agit d’un événement imprévu qui a eu lieu en novembre. En regroupement, M est en train de commenter un imagier avec illustrations de bruits et onomatopées. En montrant une horloge faisant tic-tac elle regarde la pendule de la classe et dit aux enfants qu’elle va leur faire écouter le bruit que fait cette pendule qui dit l’heure. Elle la met contre l’oreille de chaque enfant à tour de rôle (et oui c’est ça aussi la TPS) en disant « maintenant c’est à XX »… Et elle ajoute chaque fois, on entend TIC – TAC, c’est le bruit de la pendule. Les enfants sont très attentifs.
Et il n’y a jamais la pagaïe quand une maîtresse prend son temps pour faire quelque chose avec chaque enfant à tour de rôle. Parce que ce n’est pas fréquent et les enfants , même très jeunes, comprennent que c’est important et qu’ils ont là une chance à ne pas perdre.
Quelques jours plus tard, M fait remarquer une autre pendule de l’école, seulement en la montrant. Et HA dit « tic – tac ». Cet enfant s’intéresse à la classe, est très attentif, prend souvent un livre et mime la lecture en suivant du doigt comme il le voit faire à M. C’est vraiment impressionnant. Il n’a que 2 ans 8 mois. Bravo HA !!

L’écrit, dont les livres

M avance avec prudence dans ce domaine car elle a le temps. Pourtant, on voit à quel point ce sont les usages de l’écrit qui intéressent les enfants, et cela deviendra leur culture de l’écrit. Je dis « usages » pour renvoyer à ce que fait la maîtresse avec l’écrit : elle dit « voilà un nouveau livre », elle lit le titre en suivant du doigt, elle parle en tournant les pages, parfois elle écrit un prénom en disant ce qu’elle fait. Et KLO et HA en font déjà leur miel. Il ne s’agit pas du tout de regarder des lettres et de dire leurs noms : ça sera bien plus tard, et uniquement parce qu’on en aura besoin.
M a réussi à obtenir la présence de 2 étudiantes « ambassadrices » de lecture 2 fois par semaines, ce qui permet à 4 adultes d’être lecteurs simultanément.
M a constitué des bacs de livres à partir de ces critères : cartonnés solides, pouvant être achetés en 2 exemplaires (pastilles de couleurs pour celui de l’école et celui qui va dans les maisons), de type soit imagiers, soit récits pour petits (Petit Ours Brun, Ane Trotro), soit fiction avec caché-trouvé, soit livres de grand format.

Sélection des grands formats
M dit que les enfants restent avec leur adulte de référence et sont très attentifs. Par ailleurs la classe est abonnée à Popi. Nombreux sont les enfants qui vont spontanément prendre un livre quand ils sont en autonomie. On a même l’impression que les enfants « savent » déjà que les livres, c’est tellement génial…


Les « cahiers » de la classe et des enfants

A la suite des progrès patents constatés par M, elle a commencé à ouvrir des petits (plus petits que le format A4) carnets de progrès. Ils deviendront plus tard les carnets de suivi, demandés par l’institution. Il s’agit de supports individuels, remplis par M, à l’occasion, devant l’enfant qui entend la maîtresse dire ce qu’elle écrit.
Ci-dessous le début du carnet de KLO.



La philosophie de ces carnets n’a qu’un seul but : établir l’évaluation positive dont parle le Programme 2021, c’est-à-dire les progrès de chaque enfant par rapport à lui-même, de manière à ce que lui, l’enfant, sa maîtresse et sa famille constatent ENSEMBLE ses belles capacités d’apprendre. C’est une image de soi valorisée, précieuse, qui joue le rôle moteur du vouloir apprendre. On est loin des cases « non acquis » qui ont fleuri à une époque.
Par ailleurs, le choix d’une rédaction illustrée, au sujet de quelques progrès, plutôt que le remplissage d’items clés en main est décisif. L’enseignant est un pro. Il sait regarder un enfant: il sait quand il se met à faire ce qu’il ne faisait pas avant, il sait ce qui va lui servir dans sa scolarité ultérieure, il sait ce dont les parents seront fiers, etc. C’est pourquoi ces lignes écrites devant / pour chaque enfant sont particulières à chaque enfant, et « originales ». Par exemple, dans le carnet de KLO ci-dessous, où est notée une de ses premières siestes.

Il y a donc dans ce carnet un condensé de valeurs éducatives bonnes pour tout le monde. C’est ce que j’explique dans le chapitre de mon livre, nouvelle édition, consacré entièrement à cette question (Brigaudiot 2022, pages 42 – 53, ainsi que la fin des cadrages de chaque objectif). Ces carnets de progrès sont montrés régulièrement aux parents, avec l’enfant, selon des rendez-vous spécifiques.

Par ailleurs, afin de « montrer » aux familles un peu de ce qui se passe quotidiennement à l’école, M envisage de tenir un cahier de vie, c’est-à-dire un support de grand format, collectif parce qu’appartenant à la classe, et toujours à la disposition de tous. M y écrit chaque soir quelque chose de la journée et elle y ajoute ensuite une illustration (photo ou travaux d’enfants). Il n’est pas encore en fonctionnement pour l’instant.

La sieste

Je tiens à mentionner ce récit de M pour montrer à quel point la sérénité et le bien-être des enfants comptent pour elle. Je la cite :
« Dans un premier temps, avec un parent et l’enfant, on fait une visite du dortoir, avec lumière puis lumière éteinte. L’enfant choisit alors sa place, installe un coussin ou une couverture avec le parent. Au jour choisi, à la sortie de 11h30, je parle à l’enfant, devant le parent : aujourd’hui, avec tes parents on sait que tu es grand et que tu es prêt pour venir dormir à l’école un petit moment. Tout est prêt pour tout à l’heure, je serai avec toi. Et à 13h30, l’enfant va aller au dortoir avec moi. »
Suite de ce scénario dans l’onglet Enseignement à Vigilances.

Le projet anniversaires

Si la majorité des enseignants fête les anniversaires en maternelle, il y a bien des façons de faire. M va maintenir ce rituel, avec gâteau et bougies, à partir de janvier. En attendant, elle a préparé 2 dessins de gâteaux sur lesquels les photos des enfants seront déplacées et collées avec un scratch, d’un gâteau à l’autre pour le passage des 3 ans.


Mais on sait qu’un anniversaire est un repère temporel de vie et que les enfants vivant en milieu défavorisé ont, plus que les autres, besoin d’avoir des repères solides de « leur temps ». Car leurs vies sont souvent compliquées, parfois chaotiques (déplacements dès la toute petite enfance, changement de « leurs » adultes et de leurs langues, déménagement en cours d’année scolaire, etc).
Nous décidons donc que les anniversaires seront souhaités par groupes d’enfants, chaque mois, en essayant d’insister sur le fait que maintenant, ils ont 2 ans et encore un an, ça fait 3 ans (à montrer sur les doigts). Et des comptines et jeux accompagneront ces moments. Les anniversaires seront donc des moments, bien sûr pour souffler des bougies, chanter Joyeux Anniversaire et manger du gâteau, mais aussi pour commencer à se représenter le temps et le nombre 3.
A suivre dans Enseignement –> évènements.

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