Que faire avec les enfants qui font mal aux autres?
Un point de vigilance en TPS, surtout en REP et REP +, est qu’il faut tenir l’objectif 1 du langage dans le Programme comme une vraie priorité : oser entrer en communication. Or il est fréquent qu’à la rentrée de Novembre certains enfants ne parlent pas encore et ne s’expriment qu’en tirant les cheveux ou en mordant. On peut interpréter ces comportements par l’impossibilité de s’exprimer verbalement mais aussi par l’absence de prise en compte des effets sur autrui. En arrêtant provisoirement l’atelier dans lequel il reste d’habitude, le maître peut commencer par prendre le temps d’une observation attentive avec 4 questions : que se passe-t-il dans la classe quand les enfants sont en activité libre ? quels sont les enfants les plus « mobiles » (ceux qui traversent la salle plusieurs fois en quelques minutes, qui déplacent maints objets, etc) ? quels sont les plus agressifs ? à propos de quoi les conflits éclatent-ils ?
A partir de là, il peut volontairement et régulièrement prendre un enfant à part et se mettre à sa hauteur pour lui parler tranquillement, doucement mais avec professionnalisme : « je t’ai beaucoup regardé et j’ai quelque chose à te dire. Je t’ai vu plusieurs fois XXX (mordre, pincer, frapper…) un copain, et ça, ce n’est pas possible. Parce que tous les enfants ont le droit de jouer tranquillement et quand tu fais ça, tu leur fais MAL ! est-ce que tu aimerais qu’un enfant te fasse mal ? Non ! alors il ne faut pas plus le faire. Si quelque chose t’embête, si tu veux quelque chose, tu viens me chercher, tu me tires pour que je comprenne que tu as besoin de moi. Tu as compris ? ».
Et s’il y a blessure, il faut ajouter: « tu vas t’excuser. Tu vas voir B et tu lui dis pardon parce qu’il a mal, tu lui as fait mal. Et tu lui feras un bisou sur le bras. Je reste ici, je te regarde, vas-y« .
Si je rédige en détail cet a parte c’est parce qu’on a beaucoup de recherches (voir activités symboliques, de 2 à 3 ans ) qui montrent l’effet du langage des adultes quand ils emploient fréquemment un vocabulaire « du ressenti d’autrui » : faire mal, embêter, être triste, pleurer, avoir besoin, aimer, être content, être fier… ».
Le maître peut aussi « suivre » l’enfant dans ses progrès, par exemple en lui disant à sa sortie de l’école : « aujourd’hui, je suis vraiment content, tu n’as pas du tout XXX. Tu peux être fier de toi. Tu es grand !».
Attention : il ne s’agit pas du tout de « faire la morale », de dire « c’est pas bien ». Il s’agit d’attirer systématiquement l’attention de l’enfant sur les effets de ce qu’il fait aux autres enfants. C’est ce qu’on veut construire. Il y a aussi des histoires qui portent sur cette question. Par exemple, La petite poule rousse, qui punira ses 3 amis trop feignants pour l’aider.
L’enseignant peut aller jusqu’à en faire un évènement-exploit en public. Ici c’est d’un autre registre qu’il s’agit parce que le groupe est témoin et pourra donc venir en aide à l’enfant. En regroupement, il dit : « depuis quelques jours quelqu’un fait un gros effort pour être gentil avec les copains, je suis contente. C’est AA. Bravo AA ! On l’applaudit. »
Il faut que l’enfant ressente la demande de l’école comme une aide à grandir. Surtout pas de cri ou de punition. Ayez confiance, vous allez y arriver.
Par ailleurs, l’enseignant peut agir sur plusieurs plans : attribuer un espace à 2 enfants (repères avec ruban, badge…) pour quelques minutes, constituer un duo d’enfants à qui il donne une consigne (aller au coin cuisine et préparer tout le repas sous le regard de la maîtresse), montrer aux enfants que certains jouets sont en double (« les transporteurs, il y en a 2, en voilà 1, en voilà un autre. On ne peut en prendre un que s’il est libre. On ne pousse pas ! »).
Et regardez si ça peut vous rassurer, vous n’êtes pas les seuls à avoir ce problème, nos amis québécois aussi.
Le langage, priorité pour les enfants prioritaires, dans cette classe, cette année
Si cette classe a bien une fonction particulière, c’est l’aide au développement du langage qu’on doit fournir aux enfants. Après l’observation des premiers mois d’année scolaire, l’enseignant a une connaissance déjà fine de ses élèves. Trois zones d’observations particulières sont à privilégier: l’oral (dans toutes ses modalités à ce niveau de classe, modulations vocaliques, répétitions, mots…), les jeux symboliques (sous toutes ses formes, mais toujours quand il est spontané), et les relations sociales dans le groupe-classe (car c’est une grande nouveauté pour la majorité des enfants).
Je conseille donc aux enseignants de rédiger pour eux-mêmes un tableau récapitulatif d’où en est chaque enfant de la classe vers Noël. Ils possèderont ainsi un cap pour pratiquement le reste de l’année. Voilà une des pages du tableau établi par M, la maîtresse que nous avons suivie.
On voit qu’il s’agit de notes personnelles et venant d’une pro dans le métier.
C’est à partir de ce tableau que j’ai établi les résultats présentés dans le chapitre 3 sous formes de groupes d’enfants: ceux qui n’ont pas « fini » leur rentrée et sont prioritaires, ceux qui sont en train de s’adapter lentement et ceux qui sont intégrés, bien dans la classe et qui progressent. Les enfants prioritaires sont ceux qui ne montrent pas qu’ils sont bien à l’école et qui n’ont pas encore montré un seul des critères retenus (oral, jeux symboliques, relations classe). Par exemple, sur cette page, l’enfant A (appelée ANA par ailleurs). Les enfants les plus avancés, eux cochent toutes les cases. Et quelques enfants sont « entre » ces 2 groupes. Evidemment tout ça va bouger, le but étant de ne plus avoir d’enfants prioritaires en juin.
L’action choisie pour aider ces enfants prioritaires est une aide à l’entrée dans une zone qu’ils aiment: les jeux symboliques. On a en effet constaté que seuls les enfants inventant ces jeux parlent. Et les recherches montrent clairement des relations entre langage oral et jeux symboliques. Voir mot-clé jeux symboliques.
La forme choisie est le 10 fois 10 que j’ai décrit dans le feuilleton: une maîtresse qui, après l’avoir annoncé, va jouer 10 jours de suite pendant 10 minutes maximum à un jeu symbolique avec 2 enfants prioritaires. La condition pour l’enseignante est d’abandonner sa posture habituelle d’enseignement: pas de questions fermées aux enfants, pas d’attente de comportements particuliers, pas d’attente de verbalisation particulière. Ce doit être « naturel » comme lorsqu’un adulte joue, dans l’intimité, avec un tout petit. le « modèle » c’est la scène entre Charles et son père avec la vache (voir Apprentissages –> des activités symboliques étonnantes et fondatrices).
Dernier détail. Il doit y avoir des moments un peu drôles dans ces jeux car, on le sait, c’est ce que font les enfants. On va faire un gâteau qui va bruler mais les invités le trouveront encore meilleur. La grue du garage va emmener une voiture en panne mais va oublier le chien resté dedans etc. Et l’humour dans les jeux symboliques est un très bon signe: ça veut dire que les enfants mobilisent le langage au-delà de son rôle référentiel. C’est du « méta ».
J’espère que d’autres collègues travaillant en TPS vont tenter ce challenge pour me donner leurs résultats. Merci!!
Les moments délicats à penser en particulier
Dans les « premières fois » on a vu la précaution sieste: elle est décisive. En effet, pour cette première fréquentation scolaire, on doit se débrouiller pour éviter toute crainte chez les enfants. Car quand il y en a, c’est inutile d’attendre des apprentissages quels qu’il soient ensuite. Selon les enfants, les moments délicats sont: le départ des parents le matin, le déshabillage à l’arrivée, la sortie dans la cour, la cantine, la sieste. Il ne faut pas croire que c’est un détail. Les « peurs » de quelque chose en TPS peuvent durer des années.
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