Voilà un magnifique démarrage de rentrée avec cette fillette qui montre 3 activités de jeux symboliques en quelques minutes: elle répond au téléphone, prépare le repas et nourrit son bébé. Pour une maîtresse de TPS c’est le rêve! Elle peut même la montrer en exemple aux autres enfants en leur expliquant ce qu’elle sait faire.
Mais tous les enfants ne sont pas prêts ainsi à entrer dans le jeu. Je vais donc évoquer ce qui pose problème, souvent.
Les premiers problèmes
Même s’il n’y a pas de règle en la matière, les débutants pourront y trouveront des conseils.
On est en classe de tout petits, c’est-à-dire d’enfants qui sont arrivés à l’école avant 3 ans. Les Tout Petits (qu’on a appelé les Bébés à une époque, et ce n’était pas péjoratif) sont des tout petits: même s’ils viennent de la crèche, même s’ils ont entendu tout l’été qu’ils allaient bientôt à l’école, ils ne se sentent pas « à l’école » au sens où vous l’entendez, vous, enseignants. Parce que vous avez l’habitude de vos rentrées, de votre timing dans les activités, de vos alternances cour – classe – cantine – dortoir, etc. Pas eux. Il va leur falloir découvrir, puis accepter, et enfin anticiper la-vie-à-l’école.
Ce qui peut les aider pendant la première période (au moins jusqu’à la Toussaint) ce sont les manières dont leurs adultes (maître et ATSEM) vont leur parler.
–> Premier problème, comment s’adresser aux enfants au pluriel. On peut dire « je vais sortir dehors avec tous les enfants, avec Sophie, avec Slimane, avec Pedro, avec Louise, avec tout le monde parce que c’est la récréation. Quand on dit récréation ça veut dire dans la cour, allez, on y va ». En changeant les prénoms des exemples chaque jour, ils vont se sentir concernés.
–> Deuxième problème, comment faire pour que les enfants vous comprennent. Votre voix, votre accent, vos manières de parler leur sont totalement étrangers en début d’année. Il peut même arriver que ça fasse pleurer un enfant. Car n’oubliez pas que le langage articulé qui leur adressé est leur seul moyen pour comprendre ce que j’ai appelé la-vie-à-l’école. Et non seulement ils vont apprendre à vous comprendre mais ils vont aussi apprendre à parler. Pour y arriver ils repèrent puis empruntent des blocs de suites sonores que vous leur adressez. Ils vont « bricoler » des énoncés en essayant de faire comme vous. C’est très important!! Ils n’apprennent pas de mots. Les mots n’existent pas dans l’oral. [kâtôdirekreasjôsavOdirdâlakursetujurkomsa]. Voilà ce qu’ils entendent, avec une mélodie que je ne peux pas reproduire.
Alors parlez TRES TRES lentement, PAS FORT, et avec toujours LES MEMES EXPRESSIONS.
NE CRIEZ JAMAIS.
Si vous travaillez à ce niveau pour la première fois, vous ressentirez ces habitudes comme étranges, pas naturelles. C’est bon signe: vous vous adaptez à eux.
–> Troisième problème, et pas le moindre, comment faire pour commencer à constituer le groupe-classe? Il faut en effet commencer ce long travail pour que cessent les concurrences, les cris, les enfants relégués par opposition aux enfants-écrans (ceux qui « commandent » les autres), etc.
Vous avez beaucoup de possibilités qui concourent à ce progrès social: faire en sorte que chaque enfant sache très vite (1 mois?) le prénom de chacun des enfants (en les montrant dans la classe ou dans le rang ET en les montrant sur photos) ; proposer à des « doublettes » de partager un jeu (éviter de regrouper plus de 3 enfants) ; ne vous privez pas d’a parte avec les enfants les plus agressifs (essayez de ne pas les gronder publiquement, vous obtiendrez l’inverse de ce que vous voulez et vous donnerez un statut négatif à ces enfants) ; ne vous privez pas d’un bravo public régulier, en changeant le gagnant chaque jour et en favorisant les enfants qui en ont le plus besoin (les tout seuls, les timides et les agressifs) quand vous notez un plus ; utilisez une comptine simple et courte ou une boite à musique pour provoquer un rassemblement ; inventez des jeux qui induisent des relations entre enfants, pendant un regroupement (ex: « aujourd’hui je vais faire un jeu pour vous apprendre à jouer avec une copine ou un copain. On écoute bien. Sonia va aller s’asseoir sur les genoux de Christine.. Fatoumata va serrer la main de Pedro. Maxime va aller chercher Gil et l’emmener aux livres... ») ; n’oubliez pas de rappeler sans arrêt que tout ce qui est dans la classe est à tous les enfants, « à Pedro, à Gil, à Maxime, à Fatoumata, à tout le monde! » ; faites des jeux moteurs dans le préau, dans la cour, en salle de motricité dans lesquels il faut, au signal, en alternance, être très loin d’un autre enfant, donner la main à un enfant, donner les 2 mains à un enfant, etc.
–> Quatrième problème, que faire quand un enfant pleure systématiquement au départ de ses parents? Ce signe d’une certaine détresse mérite de s’en occuper: toujours donner son doudou à l’enfant, parfois ajouter « tiens, prends un doudou de l’école, je te le prête » (et on lui en donne un second s’il veut) ; se mettre accroupi à sa hauteur pour lui parler doucement ; parfois le prendre dans les bras ; utiliser un « petit théâtre ». J’appelle « petit théâtre » une courte scénette mimée qui reprend une séquence très familière à l’enfant MAIS AUSSI qui l’étonne un peu parce que ce n’est pas « du réel ». La précaution est de ne pas basculer dans ce que Freud a appelé « l’inquiétante étrangeté » qui pourrait l’effrayer. Il s’agit de rassurer. Exemple: avec les mascottes, Maman Loup et Bébé Loup, présentés aux enfants comme des amis des enfants de l’école.
M a caché Petit loup dans la classe avant l’arrivée des enfants. Elle va mimer et parler un jeu de caché /trouvé entre maman et enfant: « Petit loup! Petit loup! mais où il est ce coquin, il s’est encore caché, je vais le trouver. Petit loup! bon, il n’est pas sur cette étagère, » etc, jusqu’à la re-assurance dans la retrouvaille. Ce mime a un rôle équivalent à celui d’un livre racontant séparation et retrouvaille.
Remarque: tous ces conseils concernent, en fait, les premières rentrées des enfants à l’école, donc ce peut être en PS.
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Aménagement
En cette période de rentrée il faut penser l’aménagement de la classe. On distingue meubles et matériels.
Référence: sur Eduscol, Ressources maternelle, La scolarisation des enfants de moins de 3 ans, Un aménagement de l’espace bien pensé.
https://eduscol.education.fr/document/13432/download
Tout est parfait dans ce texte, notamment ce qui concerne le mobilier, les doudous, le projet éducatif et les conseils d’Agnès Florin.
On peut ajouter que le regroupement est souvent un problème pour les tout petits lorsqu’ils sont assis au sol sur un tapis. Ils sont obligés de lever la tête et ont peu d’accès visuel à ce que montre l’enseignant.
Notre maitresse de TPS en REP + a choisi une installation de bancs perpendiculaires. On voit l’attention des enfants qui ne sont ni trop près ni trop loin..
Les meubles sont bas (pour que les enfants soient toujours à la vue des adultes) et s’ils ont des « trous », les enfants adoreront y cacher des objets. Il suffira de tout vider chaque soir… Voila, dans la classe de M, une machine à laver avec hublot qui s’ouvre (bonheur de remplir!) et un placard percé sur le côté (re bonheur de remplir).
Et le matériel en TPS est constitué de gros objets (par exemple grands cartons) ou des maisons dans lesquels ils peuvent se cacher, même en classe.
Les jeux sont dans des bassines faciles d’accès mais reconnaissables afin de ne pas tout mélanger (gros légos, gros blocs à attacher, gros encastrements). Il est également facile de fabriquer des bouteilles à remplir /vider (par exemple avec des noisettes pour que ça ne roule pas trop loin) et des boites à chaussures avec des trous dans lesquels passent les bouchons, toujours pour remplir/vider.
Emploi du temps
La maîtresse M nous a donné le déroulé d’une journée-type (Une année en TPS de REP+, octobre). Bien sûr ce n’est qu’une possibilité mais quelques conseils peuvent beaucoup vous aider:
– le fait de choisir plusieurs regroupements de courte durée dans la journée. Ceux-ci vous permettent de souffler et ça calme les enfants tout en leur apprenant l’école ;
– le fait de se poser quelques minutes à un atelier « constructions » pour parler avec un enfant. Là, c’est sûr, il apprend. Ne lui demandez rien, jouez et dites ce que vous faites ;
– le fait de s’obliger à jouer avec un enfant à un jeu symbolique parce que vous savez que cet enfant n’a pas encore parlé une seule fois dans la classe. Cet encouragement peut le mettre en langage, tellement c’est intéressant pour lui. La condition est que vous vous comportiez comme si c’était votre propre enfant. Et oui, c’est ça que veut dire « école maternelle ». N’oubliez pas la connivence des vidéos parent – enfant que je vous montre, c’est là que se jouent les progrès langagiers des petits.
Charles « raconte sa vie à son nounours ». Ce n’est pas seulement attendrissant, c’est important pour lui, il confie ses secrets à quelqu’un. L’adulte qui assiste à ce moment ne dira rien. Mais quelque temps après, il dira à Charles « on pourrait jouer avec Nounours, tu t’entends bien avec lui? tu l’aimes bien? », ça va embarquer l’enfant dans l’activité langagière de jeu symbolique.
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