Retrouvez le carnet de progrès de Charles de 6 à 7 ans en cliquant ici.
7 ans
Point d’étape sur Langage et langue
Durant ses vacances d’été, Charles a décidé d’inventer une poésie. Et comme il vient d’avoir une jolie grenouille dans un Kinder surprise il dit à son grand-père: je vais parler à la grenouille. D’où l’impératif du texte. Il commence par construire le texte entièrement à l’oral. Puis il demande à son grand-père de l’assister pour le passage à l’écrit.
Il montre qu’il maîtrise une forme de la poésie par opposition au narratif: phrases coupées présentées verticalement, présence plus ou moins nette de consonnances ou rimes, longueur relative et fiction qu’il trouve drôle.
Charles écrit en s’auto-dictant le texte qu’il a produit oralement: le Langage est parfaitement maîtrisé.
Reste qu’en écrivant les difficultés de la langue apparaissent. Mais il a le sentiment d’être en performance avec un témoin et ce n’est pas un problème. Il va mobiliser tout ce qu’il sait sur la langue écrite:
– retours à la ligne,
– « ré-éducation » de la graphie du S dorénavant satisfaisante (voir 6 ans 10 mois),
– différentes procédures apprises à l’école, dont certaines posent problème (on écrit les mots entièrement et il faut ajouter ensuite seulement les barres du T, les points sur les i et les accents).
Le progrès le plus évident sur la langue par rapport à à 6 ans 10 mois est l’utilisation massive de procédures orthographiques. Par exemple, quand il commence, il dit grenouille puis ajoute je sais comment ça s’écrit et trace du premier coup la bonne forme.
Dans ce texte, il ne reste que la question des majuscules à régler.
Selon mes critères, tout ce qu’il a construit comme procédures langagières, avant le C.P., le portent vers une première maîtrise de la langue, notamment grâce à sa métacognition (je sais, je sais pas, c’est comme dans, etc).
Les activités langagières permettent les apprentissages sur la langue, c’est sûr.
Voici la vidéo quand il « dit » sa poésie.
Et voici le texte écrit par Charles.
Quant à la maîtrise de Charles pour les organisations textuelles, elle vient de ses lectures. Je suis très étonnée de voir à quel point il lit, souvent, longtemps, avec concentration. Et avec des écrits très variés: des « J’aime lire », un album de Tintin, un magazine de Pokémon.
J’essaie d’écouter ce qu’il m’explique des Pokémon mais je m’y perds. Exemple de discussion:
Du beau métalangage…
7 ans 2 mois
Charles est dans un CP/CE1. Il est très content: il a retrouvé toutes ses copines et ses copains et il est question de classe verte en fin d’année. Quelle chance!
7 ans 3 mois
Une écriture particulière occupe beaucoup Charles à la maison: les récompenses.
Alors c’est vrai que ça ressemble à des cartes Pokémon. Mais il m’explique que ce sont des récompenses pour ses amis. De haut en bas et de gauche à droite: « Milo c’est mon meilleur ami, il a 500 et beaucoup de couronnes et de coupes, les autres en ont moins, Louise en a encore beaucoup parce que c’est une vraie amie, mais pas Stone« .
Le nombre d’étoiles sous les « cartes » est aussi un renseignement. Je n’ai sans doute pas tout compris. Ce qui est sûr c’est l’importance de l’amitié.
7 ans 4 mois
Un moment étonnant.
Lors d’un repas familial durant lequel les adultes parlent « boulot », Charles s’ennuie. Au bout d’un moment, voilà la conversation:
– Charles – Papa, comment on fait pour changer de conversation?
– Père – (sourit et répond avec humour) et ben, tu cherches discrètement un rapport avec ce que tu veux dire, et là, tu dis « alors justement, il parait qu’il va pleuvoir. Et voilà »
Un moment plus tard, alors que les participants sont toujours à table, quelqu’un se rend compte que Charles est accroupi sous la table.
– X – mais qu’est-ce que tu fais sous la table Charles?
– Charles – je cherche le rapport, je l’ai pas trouvé, mais comme Papa il a dit discrètement alors je reste là
Voilà l’humour de la famille. Qu’a compris l’enfant de ce moment? Mystère.
A part ça, Charles lit toujours autant, n’importe où, dans n’importe quelle position…
7 ans 5 mois
Charles décide, dans un magasin, qu’il veut une peluche. Ses adultes n’y font pas attention mais il insiste. Tant et tant qu’il repart avec un panda en peluche.
Dès qu’il arrive chez lui, il fait visiter l’appartement au Panda (« tu vois ça c’est la cuisine…« ) et lui parle comme à un invité. Puis il l’installe devant un livre et lui dit qu’il va lui apprendre à lire.
On voit les compétences métacognitives de Charles (il faut bruiter pour apprendre à lire), bientôt prêt pour enseigner… On peut penser qu’il voulait un « alter ego » pour s’entraîner… Deux détails intéressants: il imite la voix de Panda quand il répète le bruitage (il s’agit donc bien d’enseignement) et il félicite sa peluche en applaudissant (là aussi, c’est une séance d’enseignement).
7 ans 6 mois
A propos du temps
On sait que la conceptualisation du temps est très très longue chez l’enfant (Tartas 2009 et Temps et temporalité). Car notre système de repérages temporels est très complexe et de plus, il nécessite une grande maîtrise mathématique (les unités en différentes bases).
Ainsi, à 1 an et demi, Charles disait qu’il quittait la crêche « à 17 heures trente ». Interprétation: il avait déjà entendu dire « je vais le chercher à XXX h 30 » ET il « savait » (sans en avoir conscience évidemment) que c’était important comme repère. Les enfants peuvent ainsi s’emparer très tôt d’expressions ou de mots du temps qui sont des sortes de bornes dans le temps qui passe (par exemple, quand un petit dit « jédeuzan »).
Autre chose est de mentaliser les durées entre 2 bornes : le temps entre deux anniversaires, le temps entre l’arrivée à l’école et la cantine, etc.
Ce sont toutes les expériences sociales de l’enfant, parlées par les adultes, qui vont l’aider.
On peut voir où en est Charles à 7 ans et demi, dans cette vidéo.
Question d’orthographe
Charles a eu un arbre en carton parmi ses cadeaux de Noël et il l’aime beaucoup parce qu’il a une boite aux lettres. Pendant 2 jours, il joue avec les membres de sa famille à être Loulou le hibou qui écrit à Josette la chouette, puis à Mireille l’écureuil. Et tout va se compliquer avec l’arrivée d’une lettre de Renard… Beaucoup de courriers ont donc été échangés.
Le grand père a ensuite proposé une dictée à Charles (« on en fait à l’école », dit Charles) qui a accepté. Voilà le résultat après des auto-corrections de l’enfant, en dialogue avec l’adulte.
Dorénavant, les majuscules sont presque toutes présentes, l’écriture est très appliquée et certains pluriels sont écrits au premier jet (aux lettres, fenêtres). Il arrive à Charles de se poser une question à voix haute « construit, j’ai oublié le S« , puis il gomme et l’ajoute. Mais il continue car ce mot l’ennuie: « qu’est-ce qu’il faut au bout?« . Son grand-père lui dit « cherche un autre mot qui ressemble » et il répond « construite, il faut T« . Les premières leçons de grammaire portent donc leurs fruits.
Enfin, très jolie expression pour « chez » dont la maîtresse a dit « un mot à prendre en photo, il s’écrie toujours pareil » et les enfants font le geste de faire une photo avec un appareil et disent « clic« .
Bravo Charles.
Et la grammaire… qui arrive
Charles a été malade et il a manqué l’école pendant plus d’une semaine. Au retour, il me dit: « Mamie m’a appris les mots, tu peux m’en dire et je te dirai ce que c’est, un nom, un verbe... ». Je lui montre mon enthousiasme. Et voilà l’essai.
moi – alors je te dis « prendre »
Charles – verbe!
moi- il
Charles – pronom
moi – bonbon
Charles – nom
moi – mais comment tu sais tout ça? c’est difficile!
Charles – ben non, les verbes c’est quelque chose qu’on fait, les noms on peut dire un ou une…
Voilà donc l’extraordinaire pouvoir des mamies…
Charles a fêté ses 7 ans et demi avec une galette en pâte à modeler, comme quand il était petit.
7 ans 7 mois
Production d’écrit
Charles est dans sa cinquième année de scolarité et il n’a jamais fait de production d’écrit (texte long inventé, organisé, dont le destinataire est connu) en contexte scolaire, ni avec de l’aide, ni seul.
Dans la mesure où il est très grand lecteur (il vient de finir un tome d’Harry Potter de 280 pages) je lui ai proposé d’inventer et d’écrire seul une histoire que des enfants de son âge aimeraient lire.
Je lui ai montré le canevas de grande histoire de mon livre (page 206) en précisant que c’était une aide pour pouvoir rédiger. Il a compris immédiatement et il a écrit « Il était une fois » en haut à gauche de sa feuille. J’ai ajouté des contraintes car à l’âge de Charles, c’est possible, alors que ce n’était pas le cas avant: dans l’histoire il doit y avoir 2 enfants, des bonbons et un mot magique. Il a dessiné ces éléments et a écrit directement le mot magique lu dans Harry Potter (Experliarmus).
Il a ensuite fait son schéma, assez vite et tout seul.
Il m’a seulement demandé s’il pouvait écrire « maison de sorcière » sur son schéma. Il avait donc bien compris que c’était un cadre pour écrire.
En dessinant la sorcière il a fait des commentaires (en fait elle a 2 baguettes magiques) qui prouvaient qu’il concevait mentalement le scénario en même temps qu’il dessinait. C’est la planification.
Quand le dessin de la sorcière vaincue au sol est arrivé, il a dit « et voilà! », ce qui montre que le bouclage des histoires de fiction est toujours aussi difficile en CE1. Je lui ai demandé si on pouvait retrouver la situation du début et il a dessiné un bonhomme qui remonte vers le château du début.
En passant à l’écriture il a voulu taper son texte sur le clavier d’ordi. Ce fut donc très long et je lui ai conseillé d’abandonner l’orthographe qu’il traiterait dans un deuxième temps. On voit le résultat sur le premier paragraphe de son texte.
Reprenant le lendemain, il m’a demandé de taper sous sa dictée, ce que j’ai fait jusqu’à la fin.
Mes rares conseils pendant l’écriture ont tous échoué: non! non! non!.
Charles savait ce qu’il voulait. Ainsi a-t-il refusé d’abandonner le passé simple, de mieux expliquer pourquoi la sorcière voulait jeter un sort aux enfants, de relire pour corriger les fautes à la fin, de trouver un titre plus mystérieux.
Bien qu’il ne soit pas revenu sur l’orthographe de son premier paragraphe, on peut nettement y voir ses premières marques du pluriel, pour les verbes et les noms. On avance.
En revanche, il y a eu des auto-rectifications en écrivant ou en dictant: « il était une fois » remplacé par « une nuit », « un chaudron » remplacé par « un chaudron rempli d’eau bouillante », la scène de la sorcière punie reformulée.
Charles a surtout le souci de l’intérêt du lecteur…
7 ans 10 mois
Grammaire
Charles doit faire son « travail d’école » pour le lendemain. Il s’agit de « conjuguer les verbes ranger et manger au présent et à l’imparfait, avec je, il, nous ».
Il le fait oralement, très vite. Et on discute:
moi – dis-moi, est-ce que tu as une idée de à quoi ça sert de faire ça? c’est une vraie question, beaucoup de gens ne savent pas
Charles – c’est la conjugaison (réfléchit un peu) ben je le sais depuis que je parle, parce que par exemple, si tu me demandes « qu’est-ce que tu fais? » je réponds « je joue », c’est la conjugaison, on s’en sert tout le temps pour parler
moi – Ouah! c’est bien ce que tu m’expliques, parce que c’est pas si évident de faire un lien entre ce qu’on dit en parlant et ce qu’on apprend à l’école. Et d’ailleurs, à quoi ça sert à l’école de réciter je gnegne, tu gnegne, il gnegne comme une chanson?
Charles – nous on le fait pas comme ça, la maîtresse elle nous le demande
moi – et à quoi ça sert?
Charles – pour écrire, savoir l’écrire
moi – ah pour l’orthographe?
Charles – oui
Voilà une belle conversation. Je ne sais pas si beaucoup d’enfants en CE1 ont autant de recul sur le langage et la langue. On peut le leur expliquer.
7 ans 11 mois
Grammaire
Charles a passé 10 jours en classe verte à la montagne. Pendant son séjour, il a écrit une carte à ses parents.
On peut donc voir les effets de la conjugaison apprise à l’école dans ce texte. L’utilisation du plus-que-parfait ( « nous avions fait » ) témoigne d’une volonté de montrer à ses parents combien il est capable de « bien écrire » en réinvestissant ses savoirs scolaires.