Le suivi de cette classe correspond aux matinées d’une année entière en PS chez une maîtresse chevronnée et en milieu « favorisé » de la banlieue parisienne. Il y a 20 enfants dans la classe, dont 4 de milieu social très modeste. Vous les rencontrerez souvent car M les considèrera comme des enfants prioritaires. Ce sont 10 filles et 10 garçons. Ils ont tous plus de 3 ans en septembre et 12 d’entre eux ont déjà fait quelques mois ou une année en maternelle.
VAL
ALI
LAU
CHL
SOL
GIL
HAK
LEO
ART
SAM
LAR
SOL
ALC
HAN
VIC
CLA
MAX
ALE
COM
PAB
L’emploi du temps est le suivant:
– Accueil libre avec jeux déjà installés sur les tables et M à la porte en début d’année
– 1er regroupement: M présente un livre et le commente oralement ou le lit.
– Oral: M demande aux enfants: « est-ce que quelqu’un a quelque chose à nous dire aujourd’hui?« . J’explique cette habitude plus loin.
– Puis elle dit « vous allez un peu jouer pendant que je travaille avec certains enfants« . Les enfants vont prendre l’habitude, dans cette classe, d’avoir ces 5 – 10 minutes en liberté, mais sans faire trop de bruit, car la maîtresse « travaille » avec quelques uns. J’y reviendrai aussi.
– Motricité
– Récréation
– 2ème regroupement: comptines et jeux de doigts. Ces activités vont avoir une grande place dans la vie de classe et de nombreux apprentissages seront visés à cette occasion.
– Ateliers si on a le temps: feutres, pâte à modeler, coins jeux.
Par ailleurs, et progressivement, M va choisir une « zone » de travail pour viser certains apprentissages, pendant une à 4 semaines. Elle prévient les enfants dès le début et rappelle chaque jour « vous vous souvenez que vous apprenez... ». Jusqu’au moment où elle juge qu’elle peut faire un bilan collectif, en citant les progrès de chacun.
Pour suivre les objectifs visés par cette maîtresse, j’ai choisi de revenir aux 8 objectifs Langage du Programme 2015, ce qui me semble le plus pertinent pour la réussite de tous les enfants en école maternelle.
Rappel :
Objectif 1 Oser entrer en communication
Objectif 2 Comprendre et apprendre
Objectif 3 Echanger et réfléchir avec les autres
Objectif 4 Commencer à réfléchir sur la langue
Objectif 5 Ecouter de l’écrit et comprendre
Objectif 6 Découvrir la fonction de l’écrit
Objectif 7 Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement
Objectif 8 Découvrir le principe alphabétique et commencer à écrire tout seul
Avec ces objectifs de cycle 1 (tous les niveaux de maternelle ont ces mêmes objectifs et les travaillent différemment) voici les aventures de cette PS, mois par mois.
SEPTEMBRE
Le premier travail O2 et O6
M annonce une surprise en regroupement. Les enfants sont très attentifs. Elle montre alors une fiche cartonnée sur laquelle, d’un côté un texte est tapé, et de l’autre figure un dessin. Et elle dit: je vais lire ce qui est écrit là (montre du doigt). Elle lit avec une intonation « plate » et lentement (c’est très difficile, il faut s’entraîner) Toc, toc, toc, Monsieur Pouce, es-tu là…
M finit par « c’est une petite chanson et on va l’apprendre. Elle raconte ce qui arrive à Monsieur Pouce, le pouce, c’est ce doigt là, montrez-les, vous en avez tous deux!«
Cette scène se reproduira 5 fois sur la première période de l’année (de Septembre jusqu’aux vacances de Toussaint). Elle vise O2, comprendre ce qu’est l’écrit et apprendre un texte par coeur, ainsi que O6, découvrir la fonction de l’écrit, sa seule fonction, fixer de l’oral sur un support qu’elle peut donc lire pour retrouver cet oral.
Une fois la présentation faite par M, elle retourne la fiche pour que les enfants voient le verso et dit: « et voilà un dessin de pouce pour vérifier qu’on s’est pas trompés. » J’appelle « Comptines » cette routine de travail qui va évoluer toute l’année.
Après tout ce travail, M attache la fiche sur une corde traversant l’espace regroupement. Cela lui permettra de les prendre une à une pour proposer plus tard des petits problèmes aux enfants.

Le premier travail sur l’oral collectif O1 et O3.
Après avoir vérifié que les enfants sont bien installés lors du regroupement (position assise et regard vers M), M annonce: « alors je vais vous dire quelque chose d’important. A l’école, vous apprenez aussi à parler. Tous les matins, je vous demanderai si vous avez quelque chose à dire aux autres enfants. Et si vous voulez parler, vous levez la main et on vous écoute. » Evidemment, l’énorme travail de M est de réguler le trop plein de propositions.
Exemple:
X- ben ma maman elle a un bébé dans le ventre
Y- et moi aussi!!
Nombreux enfants- et moi aussi moi aussi!!
M- oh lala tous ces bébés. Vous allez lever le doigt et je dirai qui va parler.
M- alors on écoute PAB
PAB- tu sais, moi, un jour j’ai regardé un film du roi Lion
M- et LAU?
LAU- tu sais, moi/ j’ai toujours/ j’ai plein de bébés dans mon ventre
M- et SOL?
SOL- tu sais/ nous un autre hier/ on a été voir Kasper/ parce que c’est un gentil fantôme
M- Bon, vous avez bien parlé. Maintenant c’est moi qui ai quelque chose à dire. On va regarder ce livre. Et je vais vous le raconter.
Pour l’instant, c’est l’objectif 01, Oser entrer en communication, qui intéresse M. Au bout de quelques semaines, elle sait parfaitement qui n’a aucun problème pour prendre la parole. Et même qui va plus loin, par exemple quand SOL dit « un autre hier » pour démarrer son énoncé. Elle produit un énoncé complet ancré dans le temps et elle fait ce repérage avec ce qui est à sa disposition: un autre hier peut être interprété par « il y a un certain temps déjà« . Magnifique.
Et parfois M peut aller plus loin que la simple prise de parole.
Exemple:
M- est-ce que vous avez vu ce qu’il y a de joli sur ce mur?
ALI- du rouge
SAM- du rouge
M- oui c’est des maisons rouges. Vous savez dire les couleurs, je vous félicite!
PAB- mon frère/ quand je fais du sport/ i dit/ i dit « je te félicite »
M – ah oui, très bien, et les autres, est-ce que vous savez ce que ça veut dire « je vous félicite »
(silence)
M- ça veut dire je suis fière de vous, vous travaillez bien, vous parlez bien et je suis contente.
Voilà du vocabulaire!!! et qui ne tombe pas du ciel. C’est PAB qui initie la situation et M saute sur l’occasion. Bravo M!!
On remarquera que ce moment d’oral est « spécial PS ». Ce n’est ni un moment de classe-coopérative, ni un moment institutionnel comme dans les grandes classes. C’est juste un court moment où chacun écoute l’autre. Et c’est tous les jours.

Les premières lectures d’albums O5 et O2.
La présentation se fait en regroupement. M sort un livre, montre la couverture aux enfants, dit « je vous montre où est écrit le titre » et « ce livre s’appelle Mon premier repas à la cantine. Elle a choisi ce livre parce que 2 enfants pleurent quand il faut partir à la cantine.
En général, la suite est à peu près celle-ci: M montre les doubles pages en tournant le livre vers les enfants, attend leurs réactions, puis commente et raconte pour que les enfants entrent dans le récit du livre et ne « partent pas » ailleurs. Après 2 ou 3 jours, elle annonce, aujourd’hui je vais lire le livre qui s’appelle… je vais le lire parce que je sais lire, et l’histoire est écrite ici, ici… (O2, montre du doigt ». Elle essaie d’être « transparente » dans toutes ces activités invisibles que sont la compréhension des images, la lecture des adultes et la compréhension des récits de fiction. Et bien sûr, elle « explique » les scènes de l’histoire (c’est 05), sans oublier de rassurer les enfants si besoin: « alors comme elle n’a pas l’habitude de manger à l’école, elle a un petit peu peur mais vous allez voir, elle va être vite rassurée… ».
Quand elle lit, elle tient l’écriture face à elle pour que les enfants voient qu’elle a une activité particulière à laquelle ils n’ont pas accès sur le livre. Et elle tourne le livre vers les enfants après chaque lecture de page.
Sur la période 1, les livres lus seront:
Mon premier repas à la cantine, Roule Galette, Bon appétit Monsieur lapin, La chouette d’Emilie, Rentrons à la maison Petit Ours, et plusieurs Petit Ours brun.
Le premier atelier avec suivi d’apprentissages: 02
M a choisi de travailler le nom des couleurs, en réception (tu montres le XX?) et en production (tu dis la couleur de ZZ?), parce qu’elle a vu que plusieurs enfants savaient déjà beaucoup de choses et qu’elle devait aider les enfants pour qui ce n’était pas acquis. Ils vont « apprendre les couleurs » (O2), condition pour organiser le monde de la classe notamment.
OCTOBRE
Le rôle des prénoms écrits dans la classe et dans le couloir: 06
M explique tout: lorsqu’elle écrit le prénom sur les dessins, lorsqu’elle demande à un enfant de choisir un casier, lorsqu’elle demande à un enfant de choisir un porte-manteau. « Et vous savez que c’est à vous si vous voyez votre prénom« . Elle écrit le prénom de chaque enfant en cursive, en bruitant le début du prénom. Et elle utilise aussi des étiquettes prénoms tapées, en script.
La connaissance par chaque enfant du prénom de tous les enfant
M organise des jeux où chaque enfant doit dire son prénom, où c’est elle qui demande « comment s’appelle l’enfant qui est à côté de XX?« , où elle propose des devinettes « c’est un garçon, il a un pull rouge et il rigole beaucoup« …
Les premiers écrits adressés par M aux parents: 06
M explique aux enfants qu’ils vont faire de la cuisine! ça veut dire… qu’ils vont préparer de la purée et qu’ensuite ils pourront la manger. Elle explique qu’elle doit écrire aux parents pour leur demander des pommes de terre. Elle écrit devant les enfants, lentement, en prononçant les mots clairement, et relis régulièrement.

M lit le message aux parents à la sortie de la classe et colle l’affiche sur la porte.
Une histoire à forte valeur d’émotion, pour viser le faire-semblant 05
M- je vais vous raconter une histoire qui fait un petit peu peur. Si vous avez un petit peu peur vous pouvez vous donner la main. Mais c’est une histoire. Je vais faire semblant d’être le loup. Je ne suis pas le loup.
Histoire dite oralement: « Il était une fois une maman, un papa et leurs deux petits enfants. Ils étaient partis se promener dans les bois. Pendant que la maman lisait un livre, les enfants jouaient au loup, en faisant semblant d’être très courageux et de ne pas avoir peur du loup. Ils chantaient: « Promenons-nous dans le bois pendant que le loup n’y est pas. Si le loup y était, il nous mangerait. Loup, es-tu là? Oui, je mets mon pantalon ». M explique ce que dit la chanson, difficile à comprendre pour plusieurs raisons. 1) parce que le texte est de l’écrit oralisé (on entend peu ou pas es-tu là, dans l’oral ordinaire), 2) parce que les enfants n’ont pas tous une « théorie de l’esprit » leur permettant de comprendre le verbe « faire semblant ». C’est une grande acquisition autour de 3 ans et demi.
Après le récit oral, M sort le livre « Promenons-nous dans les bois » et annonce qu’elle va le lire.
NOVEMBRE
Le mois de novembre va être consacré aux objectifs 6 et 2 car M se rend compte des écarts entre enfants dans cette zone. Alors que pour certains, l’usage de l’écrit n’a aucun mystère (surtout LAU, ALI, VAL, CLA), c’est bien plus problématique pour d’autres (notamment COM, SAM, GIL et VIC). Ils ne s’intéressent pas vraiment à ce qu’elle fait des comptines et ils disent toujours qu’ils savent lire.
M a prévenu les parents qu’ils pouvaient envoyer des messages à la classe pendant les vacances. Et le jour de la rentrée, en regroupement, elle montre une carte aux enfants en disant « je ne sais pas qui nous a écrit parce que je ne peux pas bien lire. Regardez.«

Et LAU répond: c’est moi qui l’ai écrit.
C’est le moment de la féliciter! M renvoie un V.I.P magnifique:
M- Hou c’est bien ce que tu as fait XX (Valorisation), tu as beaucoup écrit. Alors, pour l’instant, je ne peux pas ENCORE lire ce que tu as écrit. Tu peux le dire ce que tu as écrit?
LAU – que j’étais en vacances
M- ah oui tu as envoyé la carte quand tu étais en vacances. Regardez (montre l’écriture à tous) les enfants elle a écrit comme ça parce qu’elle a regardé ce que je fais quand j’écris (Interprétation). Alors maintenant je vais vous montrer comment je fais en vrai pour écrire (Pose un écart): je dis LAU – Rence, j’entends d’abord [l:::] c’est la lettre L et après c’est [o] qui s’écrit A ET U dans son prénom. Voilà j’ai écrit LAU, Et ça ne suffit pas.. (finit l’écriture). Maintenant on peut lire que c’est XX qui a écrit la carte. Et vous allez tous apprendre à écrire et on pourra lire ce que vous écrirez.
Cet horizon d’apprentissage est décisif, surtout en REP, mais ici aussi.
A partir de là, d’autres courriers vont arriver, adressés à Maîtresse des Petits… et M les lira quand ils sont lisibles. Les enfants sont très très attentifs pendant ces moments-là.

Par ailleurs, plusieurs séances en petits groupes (notamment COM, SAM, GIL et VIC) chaque jour, sont consacrées à l’inventaire des prénoms visibles dans la classe. M demande « est-ce que vous savez à qui est ce dessin (ou ce casier..)? » et lorsque tout le monde lève le doigt, elle dit « pour savoir à qui est le dessin, il faut lire le prénom qui est écrit, et je pense que vous ne savez pas lire. « Les enfants continuent: moi je sais lire!! ». Alors M lui demande de montrer et d’expliquer comment elle fait. L’enfant répond « c’est Laurette« . M a choisi le cas de 2 enfants qui ont la même orthographe en début de prénom. Ce qui lui permet de dire: « et non! tu ne sais pas ENCORE lire. Bientôt tu sauras. Je vous dis comment je fais, le regarde cette lettre, elle fait [l] et avec celles-là c’est écrit [lo] et après je lis « rence », alors c’est écrit Laurence. »
J’appelle ça une démonstration (02 comprendre l’acte de lecture). Elle a sa place de temps en temps en PS, année où les enfants sont très loin de comprendre quelque chose à l’écriture-lecture. Et il est important que ces démonstrations ne portent QUE sur des écrits très utilisés dans la classe. Car si les adultes peuvent lire c’est parce qu’ils procèdent tous de la même façon avec ces signes écrits. Il serait bon de demander aussi à un autre adulte de lire cette étiquette, pour voir…
On sème des petites graines…
DECEMBRE
En décembre, M a, d’une part continué les activités portant sur les valeurs de l’écrit (06) et des textes (07), et d’autre part démarré la préparation de Noël et de la rentrée à venir (02).
Evolution des activités avec les comptines.
Les enfants ont assisté à la lecture de comptines, à la récitation des comptines, à la vérification du contenu de « l’histoire » sur l’illustration au dos de la fiche, au mime des comptines en parlant, à l’affichage de textes écrits tapés à l’ordinateur.
L’étape suivante est relative à l’écrit.
Petits groupes
M appelle quelques enfants, leur demande de choisir une des comptines affichées et dit:
M- aujourd’hui cette petite chanson je vais vous montrer comment je fais pour l’écrire!
Et elle dit – écrit le texte lentement devant les enfants, en commentant parfois: Je vais à la ligne parce qu’il faut l’écrire 2 fois, et j’écris la même chose, toc toc toc… Elle ne chante pas.. On est dans l’écrit. Elle peut aussi, en fonction de l’attention des enfants, bruiter certains mots: pour écrire Toc, il faut [t], [o] et [k], c’est les lettres T, O, et C. Voilà j’ai écrit,toc.
Elle explique qu’elle remplace la fiche de cette comptine par celle qu’elle vient d’ECRIRE. C’est le mot-clé de la séance.
Elle procède de la même manière avec un autre groupe d’enfants et les autres comptines. Puis c’est la surprise de nouveaux regroupements:
M – (sans rien dans les mains) alors, maintenant vous savez beaucoup de comptines. Vous savez Toc toc toc Monsieur Pouce, vous savez Quand 3 poules vont au champ, Vous savez Je suis le capitaine des pompiers, vous savez Miaou et vous savez Marionnettes. Et ça fait 5! et je vais vous montrer où elles sont écrites!
M prend les fiches une à une et montre en disant que c’est elle qui les a écrites et qu’elle peut lire. Elle affiche les 5 textes au tableau avec des aimants et va attirer l’attention sur les marques textuelles.
– Sur cette fiche je vois le nombre 3, ici, alors vous pouvez trouver la comptine qui parle de trois…?
– 3 poules qui vont au champ. Je lis tout fort et vous dites si c’est bien ça
ETC. les marques textuelles dépendent des textes: longueur du texte complet, répétition, guillemets, majuscules, …
C’est le début de l’objectif 7, à leur portée, car M n’a rien demandé aux enfants. Ils découvrent tout.
Préparation de Noel

M insiste sur les éléments de cet événement car les enfants y assistent pour la première fois. Elle dit, voilà le sapin, c’est un petit arbre qui s’appelle un SAPIN. Elle dit, on lui met des guirlandes pour qu’il soit beau, ça, c’est une GUIRLANDE, tu vois Samir, elle brille, tu peux la toucher, ça pique un peu les guirlandes.
Cette décoration avec appuis du vocabulaire prend plusieurs jours.
JANVIER
Le mois de janvier est destiné à la compréhension des premiers repères du TEMPS. Objectif 2: comprendre le changement d’année, comprendre ce que veut dire « souhaiter une bonne année », comprendre un peu ce que veut dire « fêter un anniversaire ». Toutes ces activités continueront, sous d’autres formes, en MS et en GS.
M apporte un CALENDRIER qu’elle a fabriqué: les 12 mois sont attachés en haut et se soulèvent. Chacun porte l’année et le nom du mois. Sur chaque page de mois, 4 colonnes – semaines avec le nom du jour, le numéro et du blanc pour pouvoir mettre des annotations.
Elle présente rapidement ce nouvel objet et explique qu’il va servir à se souvenir de ce qu’on a fait et de prévoir ce qu’on va faire. Et pour commencer l’année, on va souhaiter « BONNE ANNEE! » à toute l’école, on va aller voir la classe des tout petits, les classes de moyens, les classes de grands, et la directrice. M prend du temps pour tout ça. Et évidemment, l’accueil est chaleureux partout et chaque classe dit aussi Bonne année aux petits.
Puis vient le moment où, en regroupement, M explique que HAK, VAL et CLA ont leur anniversaire en janvier. Elle montre qu’elle dessine une bougie aux trois dates: le 11, le 13 et le 23. Elle explique qu’une bougie, ça veut dire que c’est leur ANNIVERSAIRE. Les explications du nombre de bougies viendront avec le gâteau le jour venu (ou à quelques jours près selon le jour).
M va aussi écrire un mot aux parents, devant les enfants, pour leur demander s’ils pourraient prêter une photo de leur l’enfant quand il était bébé.
M – et on verra si on reconnaît les enfants, parce que tous, vous étiez d’abord bébés, et puis vous avez grandi. Vous avez eu 1 an, et après 2 ans et après 3 ans.
Elle apportera même sa propre photo de bébé avec son prénom et sa date de naissance au dos de la photo. Les discussions sur les photos reçues seront magnifiques.
M fait de ces évocations le thème de la discussion du matin. Je note que celle-ci permet, pour la première fois cette année, des discussions entre enfants! C’est l’objectif 03!
M- alors, qui veut dire quelque chose à propos des bébés?
HAN – quand j’étais bébé je faisais le bain
M– oui les mamans donnent le bain au bébé, et toi ALE?
ALE – ben moi, tu sais, mon bébé il est encore petit, mais, mais, i boit son biberon tout seul!
COM – c’est un garçon ou une fille ton bébé?
ALE – un garçon, moi je voulais une fille
M– alors ça, on peut pas savoir, parfois c’est un garçon, parfois c’est une fille. Et toi CHL, quand tu étais bébé, tu étais un bébé garçon ou un bébé fille?
CHL – une fille garçon
On voit qu’il y a encore du travail…
Il y aura aussi la découverte de la galette qui cache un objet à trouver. Pour montrer le déroulement de l’événement, M utilise 5 peluches autour d’une table et la sixième sous la table. Un gâteau en pâte à modeler attend. On demande « pour qui? » à la peluche cachée et elle dit le nom d’une peluche présente. Un enfant aide celle-ci à regarder dans sa part si elle trouve quelque chose. La peluche gagnante obtient une couronne. C’est la reine ou le roi. Et on recommence le lendemain… Jusqu’au jour de la vraie galette.
Il y aura enfin d’autres courriers des parents qui viendront alimenter l’objectif 6.
FEVRIER
Les activités démarrent sur la question des quantités et du nombre. Je ne suis pas experte de ce domaine.

Objectifs 4, 6 et 7
Pour continuer les activités avec les fiches comptines, maintenant au nombre de 10 et toutes écrites, M travaille en petits groupes. Elle demande à un enfant de tirer une fiche du paquet et il doit la regarder pour « essayer de trouver de quelle comptine il s’agit ». M valide tous les procédés, le groupe applaudit, et elle fait la vérification en lisant sans chanter.
Objectif 1
M remarque ce mois-ci que les jeux de faire semblant, initiés par des adultes mais aussi des enfants, se multiplient. Et ils adorent.
Exemple 1: Dans le couloir, LAR s’approche de l’Atsem et lui demande « je suis le loup, t’as peur?« . Et la collègue s’écrie: oh lala, le loup, le loup, venez m’aider les enfants. Et les enfants, voyant que LAR fait semblant d’avoir des griffes menaçantes, disent: c’est pas le loup, c’est LAR!
Ouf, on a eu peur.
Exemple 2: GIL tient une pièce de jeu à l’oreille et reste debout un long moment. Il se dirige alors vers M pour lui dire: c’est maman qui me téléphone, elle veut savoir qui a son anniversaire.
M – ah très bien, dis-lui que c’est VAL
GIL – allo maman, c’est VAL qui va manger le gâteau
de MARS à JUIN
Je vais évoquer deux zones d’enseignement qui visent des apprentissages demandant du temps:
-les activités de compréhension d’oral et d’écrit (02, 03, 05) à partir d’un album de littérature enfantine, Bébés chouettes de Martin Waddell & Patrick Vernon à l’Ecole des loisirs
-les activités graphiques aboutissant au dessin en tant que productions des premiers tracés symboliques socialement partagés, ce sont notamment les premiers bonshommes dans les dessins spontanés des enfants.
Cycle d’activités de compréhension avec Bébés Chouettes
Ce travail est décrit très précisément dans Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle, Hachette 2000. L’histoire a été choisie parce qu’elle est très adaptée au souci des enfants de 3 – 4 ans: Maman va-t-elle revenir? Et aussi parce qu’il s’agit d’un chef d’oeuvre de littérature enfantine. Les illustrations sont magnifiques, et comme tout se déroule de nuit, les fonds sont noirs avec les taches blanches que sont les 3 bébés chouettes. Le texte est très travaillé. Il n’y a pas d’événement à proprement dit. Le script est entièrement consacré aux inquiétudes de chacun des bébés chouettes, jusqu’à la situation finale que les enfants adorent, car ELLE RENTRA. Ecriture capitale choisie dans le texte, afin d’utiliser une intonation particulière si on lit le livre.
M a commencé en Mars en présentant l’album et en expliquant quelle histoire il contient. Elle a montré les images en tournant les pages très lentement. Les jours suivants, elle a raconté oralement l’histoire en montrant les images.
Aucune question n’est posée aux enfants dans ces moments.
En avril, voyant que les enfants vont souvent chercher ce livre, elle décide d’en faire un support de compréhension.
Je le résume ici.

M attend le mois de Mai pour ce travail qui nécessite de la réflexion et les enfants seront plus intéressés en fin d’année.
Plusieurs semaines sont destinées à « mieux comprendre comment vivent ces oiseaux qu’on appelle des chouettes » et « comment reconnait-on les chouettes? ». Activités en motricité sur l’inversion jour / nuit et activités / dodo par rapport à ce que connaissent les enfants. Visionnage de vidéos sur les chouettes. Explication sur les endroits où elles vivent, leur nourriture, leur élevage jusqu’à l’envol. Recherches en bibliothèques sur tout ce qui parle des chouettes et commentaires.
Dans l’étape suivante, M stabilise les connaissances des enfants en leur demandant de dessiner une chouette, mais il faut qu’on voit que c’est une chouette.
Enfin va venir la lecture du texte. Sa compréhension suppose une « théorie de l’esprit« : tous les dialogues portent sur les pensées des bébés, et ils n’ont pas les mêmes pensées selon leur ordre de naissance dans l’histoire (petite, moyenne, grande). C’est si difficile à comprendre que M n’insiste pas sur la chute finale: QUE D’HISTOIRES! dit leur maman chouette. ET là, les bébés rétorquent qu’ils savaient bien qu’elle allait rentrer….
Ce livre existe dorénavant en plusieurs formats et en cartonné dans le commerce.
Et il me semble qu’on pourrait faire un projet équivalent avec la belle histoire du poussin si heureux de naître: Pablo de Rascal à l’Ecole des loisirs.

Cycle d’activités du graphisme au dessin
M a choisi de mobiliser les enfants sur le dessin dès le début d’année.
L’événement des premiers bonshommes arrivera en Février:

Les enfants adorent constater qu’ils sont capables de dessiner c’est-à-dire de tracer, tout seul, de manière à ce que l’entourage RE-connaisse quelque chose. Cet exploit leur donne un pouvoir exceptionnel. De plus, là aussi comme dans d’autres domaines, les situations de vie des enfants sont marquées par de l’iniquité. En effet, dans presque toutes les familles dites favorisées, les parents dessinent devant les enfants, commentent et nomment. Ce n’est pas le cas dans les familles dites défavorisées.
LE SPECTACLE DU DESSIN PAR UN ADULTE FAMILIER EST UN MOTEUR CONSIDERABLE D’APPRENTISSAGE.
Et je précise que j’ai toujours constaté les mêmes effets d’apprentissage en REP ou en milieu favorisé, quand un enseignement était mis en oeuvre.
Voyons comment M est arrivée à ce résultat.
A partir de Septembre, chaque semaine, chaque enfant a au moins 2 fois une activité graphique dirigée. Ceci diffère du passage en ateliers et c’est très important. Dans la pratique en ateliers, avec 20 élèves, chaque atelier de 5 enfants a une tâche par semaine (4 fois un atelier sur 4 jours). Ici, sachant que la fréquence est décisive dans les activités motrices, M choisit de travailler par demi-classe. Avec 2 groupes de 10 enfants, chaque groupe bénéficie de 2 passages dans l’atelier chaque semaine.
M annonce aux enfants qu’ils vont commencer à apprendre à dessiner comme les grands.
Elle laisse les enfants en activités libres pour se consacrer à la tenue des feutre et au ralentissement des gestes.Elle organise régulièrement des commentaires à propos de quelques tracés.
En Novembre, M organise un événement: vous allez avoir une visite. Des enfants de grande section vont venir pour vous montrer les dessins qu’ils font et ils vous expliqueront comment ils font!
Et donc, là aussi, les enfants de cette classe auront un « spectacle ». Ils assisteront à quelque chose de non-ordinaire pour eux et seront particulièrement attentifs. Je précise que les recherches montrent depuis longtemps que le dessin du bonhomme nécessite une sorte de maturité sur laquelle nous n’avons pas prise. Ce n’est donc pas immédiatement que vous verrez les effets de ce spectacle. Cependant, les causes multiples finissent par être payantes. Par exemple M commente le premier bonhomme de Léo:

On voit ici la proximité du « rond poilu » qui est à la portée des enfants dans le courant de la PS, et que M va appeler LE SOLEIL.
Ici je précise que l’entrée dans le dessin passe toujours par les stéréotypes sociaux du milieu dans lequel vit un enfant. Tout montre que ce n’est qu’une fois que sa dextérité lui permet de dessiner les stéréotypes (les psychologues cognitivistes disent les prototypes) qu’un enfant peut comprendre et essaye de dessiner « autrement ». Par exemple avec seulement les couleurs, par exemple avec seulement certaines formes, etc. On entre alors dans ce qu’on appelle les activités plastiques.
A partir d’Octobre, M apprend aux enfants à tracer des ronds, ou plus exactement des lignes courbes fermées. Cette étape est décisive. Par exemple, en collant des gommettes sur une page, les petits arrivent assez vite à tourner autour des gommettes qu’ils voient.

Les progrès vont être continus jusqu’aux premiers bonhommes.
A partir de Décembre-Janvier, l’occasion du dessin de sapin de Noêl, conduit M à apprendre aux enfants les « traits » ajoutés à des lignes. Et on obtient ainsi les premiers « soleils »..
Voici les progrès chez un même enfant, sur l’année:





Tous les enfants dessinent en fin d’année: bonhomme, maison, fleurs, soleil… et camion de pompiers. Ils finissent l’année par un grand dessin collectif affiché sous le préau et on invite les parents qui sont subjugués. C’était le but: que les enfants comprennent l’aspect social de ces dessins stéréotypés.
Bilan de l’année
Parallèlement au dessin, M a beaucoup travaillé l’écrit à ses 3 niveaux:
1- « parle » aux adultes (O6),
2- il y a des signes qu’on retrouve dans des lignes (O7)
3- ça code ce qu’on entend quand on parle (O8).
Pour O6, en dehors des lectures de livres, la classe a reçu et envoyé 9 messages cette année. Il y a eu, chaque fois, une réception ou un départ depuis la classe contenant une question. M a toujours répondu en expliquant-écrivant devant les enfants, parfois en répondant à une question (demande de parents sur date anniversaire d’un autre enfant), parfois en en posant une autre (la maman du bébé Léa pourrait-elle se déplacer avec le bébé à l’école?) et les enfants attendent toujours impatiemment les réponses.
Une belle évaluation inattendue: un des enfants très aidé par M toute l’année, COM, qui ne s’intéressait pas du tout à l’écrit en début d’année, trace des bâtons parallèles sur une feuille, va voir l’ATSEM et lui dit « tu peux lire? ». Et elle répond « et non! pas encore, je ne vois pas ce que tu as voulu écrire ». Alors COM va voir M, lui montre et lui dit: « elle peut pas lire. Tu pourrais écrire je veux être devant le rang? je vais lui donner, elle va lire« .
Pour O7, c’est le travail avec les comptines qui s’est déroulé sur l’année.
Il y a eu aussi l’apport d’un livre particulier apporté par M fin Mai. Elle explique en regroupement qu’elle a copié un livre qu’ils connaissent et qu’elle l’a tapé avec son ordinateur à la maison. « Et je vais vous le lire. Je vous dis pas de quelle histoire il s’agit. Je commence: « Il était une fois trois bébés chouettes: Sarah, Rémy et Lou… ». Et tous les enfants s’écrient « Bébés chouettes« . M répond: « oui, vous avez entendu l’histoire de Bébés chouettes. Cette année vous avez appris qu’on peut comprendre les histoires en les entendant, même sans images!! Bravo les enfants« .
En fin d’année, les enfants ont tellement l’habitude de résoudre des problèmes de repérages dans des textes qu’ils jouent à se poser des problèmes entre eux. « Trouve la page de quand la maman revient »…
Pour O8, C’est toute l’année que M a bruité un mot de temps en temps. Pratiquement que des prénoms des enfants de la classe, sous forme de jeux en regroupement. Par exemple, en fin d’année: « je vais demander à Gil de me donner 2 étiquettes de prénoms qui commencent par [s::::]« . Ou encore, « je vais lire une étiquette prénom en faisant les bruits et des fois je lirai bien, des fois je me tromperai. Alors vous écoutez bien« .
On voit qu’il faut être dans la bonne zone pour construire ces problèmes qui sont faciles en fin d’année et pourtant pas du tout évidents pour des enfants de 3 ans et demi.
Le bilan est impressionnant. Les enfants font des remarques spontanément à propos de sons entendus dans des énoncés adultes. Et voici comment ils signent un des messages.
Aucun n’a refusé, ce qui était le cas en début d’année et aucun n’a dessiné, ce qui était le cas en début d’année. Ils sont en bonne voie pour la découverte du principe alphabétique. Et on ne s’inquiète d’aucune production. La variété des essais sera commentée tout au long de la scolarité. Et les maîtresses utiliseront V.I.P.

BRAVO LES ENFANTS !
BRAVO LA MAITRESSE!