Le suivi de cette classe correspond aux matinées d’une année entière en PS chez une maîtresse chevronnée et en milieu « favorisé » de la banlieue parisienne. Il y a 20 enfants dans la classe, dont 4 de milieu social très modeste. Vous les rencontrerez souvent car M les considèrera comme des enfants prioritaires. Ce sont 10 filles et 10 garçons. Ils ont tous plus de 3 ans en septembre et 12 d’entre eux ont déjà fait quelques mois ou une année en maternelle.
VAL
ALI
LAU
CHL
SOL
GIL
HAK
LEO
ART
SAM
LAR
SOL
ALC
HAN
VIC
CLA
MAX
ALE
COM
PAB
L’emploi du temps est le suivant:
– Accueil libre avec jeux déjà installés sur les tables et M à la porte en début d’année
– 1er regroupement: M présente un livre et le commente oralement ou le lit.
– Oral: M demande aux enfants: « est-ce que quelqu’un a quelque chose à nous dire aujourd’hui?« . J’explique cette habitude plus loin.
– Puis elle dit « vous allez un peu jouer pendant que je travaille avec certains enfants« . Les enfants vont prendre l’habitude, dans cette classe, d’avoir ces 5 – 10 minutes en liberté, mais sans faire trop de bruit, car la maîtresse « travaille » avec quelques uns. J’y reviendrai aussi.
– Motricité
– Récréation
– 2ème regroupement: comptines et jeux de doigts. Ces activités vont avoir une grande place dans la vie de classe et de nombreux apprentissages seront visés à cette occasion.
– Ateliers si on a le temps: feutres, pâte à modeler, coins jeux.
Par ailleurs, et progressivement, M va choisir une « zone » de travail pour viser certains apprentissages, pendant une à 4 semaines. Elle prévient les enfants dès le début et rappelle chaque jour « vous vous souvenez que vous apprenez... ». Jusqu’au moment où elle juge qu’elle peut faire un bilan collectif, en citant les progrès de chacun.
Pour suivre les objectifs visés par cette maîtresse, j’ai choisi de revenir aux 8 objectifs Langage du Programme 2015, ce qui me semble le plus pertinent pour la réussite de tous les enfants en école maternelle.
Rappel :
Objectif 1 Oser entrer en communication
Objectif 2 Comprendre et apprendre
Objectif 3 Echanger et réfléchir avec les autres
Objectif 4 Commencer à réfléchir sur la langue
Objectif 5 Ecouter de l’écrit et comprendre
Objectif 6 Découvrir la fonction de l’écrit
Objectif 7 Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement
Objectif 8 Découvrir le principe alphabétique et commencer à écrire tout seul
Avec ces objectifs de cycle 1 (tous les niveaux de maternelle ont ces mêmes objectifs et les travaillent différemment) voici les aventures de cette PS, mois par mois.
SEPTEMBRE
Le premier travail O2 et O6
M annonce une surprise en regroupement. Les enfants sont très attentifs. Elle montre alors une fiche cartonnée sur laquelle, d’un côté un texte est tapé, et de l’autre figure un dessin. Et elle dit: je vais lire ce qui est écrit là (montre du doigt). Elle lit avec une intonation « plate » et lentement (c’est très difficile, il faut s’entraîner) Toc, toc, toc, Monsieur Pouce, es-tu là…
M finit par « c’est une petite chanson et on va l’apprendre. Elle raconte ce qui arrive à Monsieur Pouce, le pouce, c’est ce doigt là, montrez-les, vous en avez tous deux!«
Cette scène se reproduira 5 fois sur la première période de l’année (de Septembre jusqu’aux vacances de Toussaint). Elle vise O2, comprendre ce qu’est l’écrit et apprendre un texte par coeur, ainsi que O6, découvrir la fonction de l’écrit, sa seule fonction, fixer de l’oral sur un support qu’elle peut donc lire pour retrouver cet oral.
Une fois la présentation faite par M, elle retourne la fiche pour que les enfants voient le verso et dit: « et voilà un dessin de pouce pour vérifier qu’on s’est pas trompés. » J’appelle « Comptines » cette routine de travail qui va évoluer toute l’année.

Le premier travail sur l’oral collectif O1 et O3.
Après avoir vérifié que les enfants sont bien installés lors du regroupement (position assise et regard vers M), M annonce: « alors je vais vous dire quelque chose d’important. A l’école, vous apprenez aussi à parler. Tous les matins, je vous demanderai si vous avez quelque chose à dire aux autres enfants. Et si vous voulez parler, vous levez la main et on vous écoute. » Evidemment, l’énorme travail de M est de réguler le trop plein de propositions.
Exemple:
X- ben ma maman elle a un bébé dans le ventre
Y- et moi aussi!!
Nombreux enfants- et moi aussi moi aussi!!
M- oh lala tous ces bébés. Vous allez lever le doigt et je dirai qui va parler.
M- alors on écoute PAB
PAB- tu sais, moi, un jour j’ai regardé un film du roi Lion
M- et LAU?
LAU- tu sais, moi/ j’ai toujours/ j’ai plein de bébés dans mon ventre
M- et SOL?
SOL- tu sais/ nous un autre hier/ on a été voir Kasper/ parce que c’est un gentil fantôme
M- Bon, vous avez bien parlé. Maintenant c’est moi qui ai quelque chose à dire. On va regarder ce livre. Et je vais vous le raconter.
Pour l’instant, c’est l’objectif 01, Oser entrer en communication, qui intéresse M. Au bout de quelques semaines, elle sait parfaitement qui n’a aucun problème pour prendre la parole. Et même qui va plus loin, par exemple quand SOL dit « un autre hier » pour démarrer son énoncé. Elle produit un énoncé complet ancré dans le temps et elle fait ce repérage avec ce qui est à sa disposition: un autre hier peut être interprété par « il y a un certain temps déjà« . Magnifique.
Et parfois M peut aller plus loin que la simple prise de parole.
Exemple:
M- est-ce que vous avez vu ce qu’il y a de joli sur ce mur?
ALI- du rouge
SAM- du rouge
M- oui c’est des maisons rouges. Vous savez dire les couleurs, je vous félicite!
PAB- mon frère/ quand je fais du sport/ i dit/ i dit « je te félicite »
M – ah oui, très bien, et les autres, est-ce que vous savez ce que ça veut dire « je vous félicite »
(silence)
M- ça veut dire je suis fière de vous, vous travaillez bien, vous parlez bien et je suis contente.
Voilà du vocabulaire!!! et qui ne tombe pas du ciel. C’est PAB qui initie la situation et M saute sur l’occasion. Bravo M!!
On remarquera que ce moment d’oral est « spécial PS ». Ce n’est ni un moment de classe-coopérative, ni un moment institutionnel comme dans les grandes classes. C’est juste un court moment où chacun écoute l’autre. Et c’est tous les jours.

Les premières lectures d’albums O5 et O2.
La présentation se fait en regroupement. M sort un livre, montre la couverture aux enfants, dit « je vous montre où est écrit le titre » et « ce livre s’appelle Mon premier repas à la cantine. Elle a choisi ce livre parce que 2 enfants pleurent quand il faut partir à la cantine.
En général, la suite est à peu près celle-ci: M montre les doubles pages en tournant le livre vers les enfants, attend leurs réactions, puis commente et raconte pour que les enfants entrent dans le récit du livre et ne « partent pas » ailleurs. Après 2 ou 3 jours, elle annonce, aujourd’hui je vais lire le livre qui s’appelle… je vais le lire parce que je sais lire, et l’histoire est écrite ici, ici… (O2, montre du doigt ». Elle essaie d’être « transparente » dans toutes ces activités invisibles que sont la compréhension des images, la lecture des adultes et la compréhension des récits de fiction. Et bien sûr, elle « explique » les scènes de l’histoire (c’est 05), sans oublier de rassurer les enfants si besoin: « alors comme elle n’a pas l’habitude de manger à l’école, elle a un petit peu peur mais vous allez voir, elle va être vite rassurée… ».
Quand elle lit, elle tient l’écriture face à elle pour que les enfants voient qu’elle a une activité particulière à laquelle ils n’ont pas accès sur le livre. Et elle tourne le livre vers les enfants après chaque lecture de page.
Sur la période 1, les livres lus seront:
Mon premier repas à la cantine, Roule Galette, Bon appétit Monsieur lapin, La chouette d’Emilie, Rentrons à la maison Petit Ours, et plusieurs Petit Ours brun.
Le premier atelier avec suivi d’apprentissages: 02
M a choisi de travailler le nom des couleurs, en réception (tu montres le XX?) et en production (tu dis la couleur de ZZ?), parce qu’elle a vu que plusieurs enfants savaient déjà beaucoup de choses et qu’elle devait aider les enfants pour qui ce n’était pas acquis. Ils vont « apprendre les couleurs » (O2), condition pour organiser le monde de la classe notamment.
OCTOBRE
Le rôle des prénoms écrits dans la classe et dans le couloir: 06
M explique tout: lorsqu’elle écrit le prénom sur les dessins, lorsqu’elle demande à un enfant de choisir un casier, lorsqu’elle demande à un enfant de choisir un porte-manteau. « Et vous savez que c’est à vous si vous voyez votre prénom« . Elle écrit le prénom de chaque enfant en cursive, en bruitant le début du prénom. Et elle utilise aussi des étiquettes prénoms tapées, en script.
La connaissance par chaque enfant du prénom de tous les enfant
M organise des jeux où chaque enfant doit dire son prénom, où c’est elle qui demande « comment s’appelle l’enfant qui est à côté de XX?« , où elle propose des devinettes « c’est un garçon, il a un pull rouge et il rigole beaucoup« …
Les premiers écrits adressés par M aux parents: 06
M explique aux enfants qu’ils vont faire de la cuisine! ça veut dire… qu’ils vont préparer de la purée et qu’ensuite ils pourront la manger. Elle explique qu’elle doit écrire aux parents pour leur demander des pommes de terre. Elle écrit devant les enfants, lentement, en prononçant les mots clairement, et relis régulièrement.

M lit le message aux parents à la sortie de la classe et colle l’affiche sur la porte.
Une histoire à forte valeur d’émotion, pour viser le faire-semblant 05
M- je vais vous raconter une histoire qui fait un petit peu peur. Si vous avez un petit peu peur vous pouvez vous donner la main. Mais c’est une histoire. Je vais faire semblant d’être le loup. Je ne suis pas le loup.
Histoire dite oralement: « Il était une fois une maman, un papa et leurs deux petits enfants. Ils étaient partis se promener dans les bois. Pendant que la maman lisait un livre, les enfants jouaient au loup, en faisant semblant d’être très courageux et de ne pas avoir peur du loup. Ils chantaient: « Promenons-nous dans le bois pendant que le loup n’y est pas. Si le loup y était, il nous mangerait. Loup, es-tu là? Oui, je mets mon pantalon ». M explique ce que dit la chanson, difficile à comprendre pour plusieurs raisons. 1) parce que le texte est de l’écrit oralisé (on entend peu ou pas es-tu là, dans l’oral ordinaire), 2) parce que les enfants n’ont pas tous une « théorie de l’esprit » leur permettant de comprendre le verbe « faire semblant ». C’est une grande acquisition autour de 3 ans et demi.
Après le récit oral, M sort le livre « Promenons-nous dans les bois » et annonce qu’elle va le lire.
NOVEMBRE
Le mois de novembre va être consacré aux objectifs 6 et 2 car M se rend compte des écarts entre enfants dans cette zone. Alors que pour certains, l’usage de l’écrit n’a aucun mystère (surtout LAU, ALI, VAL, CLA), c’est bien plus problématique pour d’autres (notamment COM, SAM, GIL et VIC). Ils ne s’intéressent pas vraiment à ce qu’elle fait des comptines et ils disent toujours qu’ils savent lire.
M a prévenu les parents qu’ils pouvaient envoyer des messages à la classe pendant les vacances. Et le jour de la rentrée, en regroupement, elle montre une carte aux enfants en disant « je ne sais pas qui nous a écrit parce que je ne peux pas bien lire. Regardez.«

Et LAU répond: c’est moi qui l’ai écrit.
C’est le moment de la féliciter! M renvoie un V.I.P magnifique:
M- Hou c’est bien ce que tu as fait XX (Valorisation), tu as beaucoup écrit. Alors, pour l’instant, je ne peux pas ENCORE lire ce que tu as écrit. Tu peux le dire ce que tu as écrit?
LAU – que j’étais en vacances
M- ah oui tu as envoyé la carte quand tu étais en vacances. Regardez (montre l’écriture à tous) les enfants elle a écrit comme ça parce qu’elle a regardé ce que je fais quand j’écris (Interprétation). Alors maintenant je vais vous montrer comment je fais en vrai pour écrire (Pose un écart): je dis LAU – Rence, j’entends d’abord [l:::] c’est la lettre L et après c’est [o] qui s’écrit A ET U dans son prénom. Voilà j’ai écrit LAU, Et ça ne suffit pas.. (finit l’écriture). Maintenant on peut lire que c’est XX qui a écrit la carte. Et vous allez tous apprendre à écrire et on pourra lire ce que vous écrirez.
Cet horizon d’apprentissage est décisif, surtout en REP, mais ici aussi.
A partir de là, d’autres courriers vont arrivés, adressés à Maîtresse des Petits… et M les liras quand ils sont lisibles. Les enfants sont très très attentifs pendant ces moments-là.

Par ailleurs, plusieurs séances en petits groupes (notamment COM, SAM, GIL et VIC) chaque jour, sont consacrées à l’inventaire des prénoms visibles dans la classe. M demande « est-ce que vous savez à qui est ce dessin (ou ce casier..)? » et lorsque tout le monde lève le doigt, elle dit « pour savoir à qui est le dessin, il faut lire le prénom qui écrit, et je pense que vus ne savez pas lire. « Les enfants continuent: moi je sais lire!! ». Alors M lui demande de montrer et d’expliquer comment elle fait. L’enfant répond « c’est Laurette ». M a choisi le cas de 2 enfants qui ont la même orthographe en début de prénom. Ce qui lui permet de dire: « et non! tu ne sais pas ENCORE lire. Bientôt tu sauras. Je vous dis comment je fais, le regarde cette lettre, elle fait [l] et avec celles-là c’est écrit [lo] et après je lis « rence », alors c’est écrit Laurence. »
J’appelle ça une démonstration (02 comprendre l’acte de lecture). Elle a sa place de temps en temps en PS, année où les enfants sont très loin de comprendre quelque chose à l’écriture-lecture. Et il est important que ces démonstrations ne portent QUE sur des écrits très utilisés dans la classe. Car si les adultes peuvent lire c’est parce qu’ils procèdent tous de la même façon avec ces signes écrits. Il serait bon de demander aussi à un autre adulte de lire cette étiquette, pour voir…
On sème des petites graines…
DECEMBRE
En décembre, M a, d’une part continué les activités portant sur les valeurs de l’écrit (06), et d’autre part démarré la préparation de Noel et de la rentrée à venir (O2).
Evolution des activités avec les comptines.
Préparation de Noel
