Une année en MS hors REP

On trouvera ici un exemple de ce que peuvent vivre les enfants d’une moyenne section pendant leur année scolaire. La classe à laquelle je fais référence était dans un milieu dit « favorisé » mais je ne doute pas une seconde qu’une classe de REP+ pourrait avoir le même parcours. Il suffirait d’adapter les contenus des situations évoquées aux intérêts d’autres enfants. Je suis claire sur cette question: les enfants de milieux très défavorisés sont les mêmes enfants que ceux de milieux favorisés si l’on veut bien les considérer avec leurs capacités cognitives époustouflantes. Leur différence est qu’en REP+, ils n’ont pas l’habitude d’avoir des adultes qui les encouragent à ces activités de réflexion. De mon point de vue, c’est pour ça qu’on a inventé l’éducation prioritaire. Pour apporter à ses enfants ce qui leur a fait défaut durant des années de vie trop difficile.
Je vais faire ici un relevé de ce qu’une maîtresse de MS a mis en place pour viser les objectifs du langage écrit: découvrir ce que l’écrit provoque quand on le reçoit, découvrir ce qui nous fait choisir l’écrit quand on le produit, découvrir comment fonctionne le code écrit qui caractérise notre langue. Ce sont les objectifs 5, 6, 7, 8 et 9 des Programmes 2015 et 2021 que je reprends dans Langage et école maternelle, Hatier 2022.
–> Caractéristiques des objectifs relatifs à l’écrit
Les innombrables recherches dans ce domaine, généralement intégrées à un champ baptisé « littératie émergente » (traduction de « emergent litteracy » des anglo-saxons), renvoient aux utilisations qu’ont les adultes de l’écrit en tant que modalités langagières. Il a fallu en effet des années aux chercheurs pour comprendre que les jeunes enfants s’intéressaient , non pas aux objets de l’écrit (des mots et des lettres), mais aux effets que l’écrit produisait sur soi et sur autrui. Ceci est fondamental.
–> Quelles utilisations de l’écrit?
Il m’a aussi fallu des années pour sélectionner, parmi tous les usages de l’écrit que font les adultes en France, de nos jours, les usages qui intéressaient le plus les enfants et les aider le plus à faire des découvertes. On a affaire ici à des données culturelles: ce que nous faisons, nous, de l’écrit, ne ressemble pas à ce qu’en font d’autres populations dans le monde. C’est même différent de ce qu’en font des groupes sociaux qui nous ressemblent. Je prends un exemple: dans les recherches australiennes passionnantes que j’ai lues, les enseignants du préscolaire utilisent énormément les listes de courses: quand elles sont produites par un parent, quand elles sont utilisées en lecture dans le magasin, quand elles sont vérifiées par le parent avant de passer à la caisse. Tout simplement parce que la coutume du passage hebdomadaire au grand supermarché est omniprésente dans ce pays. En revanche, peu d’enfants en France assistent à la production de listes de courses. Autre exemple: de très très nombreux articles de recherche soulignent le fait que l’écrit qui intéresse TOUS les enfants, quel que soit le pays d’où ils viennent, c’est leur prénom. Je l’ai donc gardé, exploré, exploité pendant des années avec les enseignants.
C’est ainsi que je suis arrivée à cette sélection d’utilisation de supports pour certains objectifs. C’est le tableau de la page 156 de mon livre:

On comprendra que les enfants (analphabètes!!) vont découvrir à travers les usages de ces écrits des choses TRES DIFFERENTES: par exemple objectif 5, quand ils écoutent une histoire lue par la maîtresse, ils pensent parfois à des scènes de leur propre vie, ça alors!!!! objectif 6, quand la maîtresse cherche dans le calendrier là où elle a écrit mon prénom, elle me dit que je vais souffler les bougies, ça alors!!!! etc.
C’est donc l’ensemble de ces usages, utilisés durant 3 années d’école maternelle et selon des fréquences différentes, qui va avoir un effet.
Un tableau récapitule les fréquences d’utilisation durant le cycle maternelle, page 246:

Légende de la fréquence approximative
Un + : environ une fois par trimestre
Deux + : environ une fois par mois
Trois + : chaque jour ou presque
Quatre + : chaque jour

Plus les enfants grandissent plus les « expériences » d’usages d’écrits vont être nombreuses et variées. Par exemple en MS, c’est la bonne année pour montrer aux enfants les effets des lectures d’histoire (ce qu’on appelle aussi « compréhension »), et utiliser assez souvent ce qui est « messages écrits » pour montrer l’intérêt de leur écriture. Et on n’oublie pas de faire plus souvent des démonstrations du code devant les enfants afin qu’ils découvrent le pouvoir que ça va leur donner.

Par ailleurs, je n’oublie pas que les enfants ont aussi besoin d’un autre apprentissage n’appartenant pas au langage mais qui va alimenter les découvertes langagières de l’écrit: c’est l’activité graphique.
En effet, l’activité graphique s’apprend grâce à une régularité et une fréquence d’activités qui conduise à une dextérité motrice. Sauf que, ce contrôle des tracés que l’on vise permet aussi 2 grandes conquêtes,
– d’une part une représentation juste de ce qu’est un symbole visuel, c’est-à-dire une forme sans rapport direct avec un objet du réel et qui, pourtant, renvoie à quelque chose du réel pour toutes les personnes appartenant à un même groupe social. C’est le cas d’un dessin stéréotype car tous les adultes reconnaissent le même objet en le regardant ;
– d’autre part une représentation juste de ce qu’est un symbole auditif, c’est-à-dire un son sans rapport direct avec un objet du réel et qui, pourtant, renvoie à quelque chose du réel pour toutes les personnes appartenant à un même groupe social. C’est le cas des phonogrammes ou signes écrits correspondant aux phonèmes et groupe de phonèmes qui sont les unités d’une langue. Et seule l’écriture cursive symbolise cette suite phonogrammique dans un écrit.
Il me faut donc ajouter la fréquence de ces activités graphiques, pour aller vers le dessin et pour aller vers l’écriture en attaché:
– dès la PS, plusieurs fois par trimestre
– en MS, chaque semaine et en fin d’année chaque jour
– en GS, chaque jour.

Je donnerai des exemples dans ce feuilleton.

Pour suivre le feuilleton :

en septembre/octobre, cliquez ici
en novembre/décembre, cliquez ici
en janvier/février, cliquez ici
en mars/avril, cliquez ici
en mai/juin, cliquez ici