Charles donne sa soupe à ses deux amis. Il a 2 ans 7 mois.
On appelle jeux symboliques des activités très précoces et spontanées des enfants lorsqu’ils mettent en scène actions et langage, sans que ces 2 registres soient mobilisés comme le feraient les adultes (voir la question signifiant/signifié dans activités symboliques). Le prototype du jeu symbolique est le jeu de faire semblant durant lequel un enfant « prétend » (les anglo-saxons l’appellent « pretend play ») être ou faire alors que le réel est autre. C’est un jeu de fiction, inventé par un enfant et que les adultes décodent sans difficulté. Même quand peu d’éléments du réel sont signifiants, par exemple sauter pieds joints pour « être » une grenouille. Ces compréhensions chez les adultes passent par leurs représentations sociales prototypiques.
Ces jeux prennent différents aspects selon l’âge de l’enfant. Certains chercheurs évaluent l’âge de 11 ans comme dernière époque des jeux de faire semblant (E.D. Smith et al., 2012, Play on: retrospective evidence for the persistence of pretend play into middle chilhood, Journal of cognitive Development). D’autres considèrent que les adultes sont encore dans des « jeux symboliques » avec la littérature de fiction, le cinéma et le théâtre.
Si on considère le jeu de caché- le voilà comme jeu symbolique fondateur, on peut en trouver les différentes analyses dans les archives: texte 3
La question des relations entre langage et jeux symboliques
Dans un numéro spécial Jeux Symboliques d’une revue suisse d’orthophonie, plusieurs articles très intéressants portent sur cette question.
Edy Veneziano (2005) recense quelques recherches qui font apparaître que:
– « les premières activités de fiction sur soi (par ex faire semblant de manger) apparaissent en même temps que les premiers mots de l’enfant« ;
– « les activités de fiction impliquant autrui (par ex donner à manger à une poupée) et l’utilisation d’objets substituts apparaissent parallèlement à une première augmentation significative du vocabulaire et sont corrélés à des mesures de compréhension du langage« ;
– « la combinaison d’activités dans le jeu présente une relation développementale avec les premières combinaisons de mots« .
L’hypothèse est une convergence de conduites, dans l’oral et dans le jeu symbolique, plus qu’une relation de cause à effet.
Par ailleurs, cette auteur montre que « c’est souvent le langage qui transforme la signification d’un objet et/ou d’une action, par exemple en disant ‘chocolat’ avec une boîte d’allumettes« . Oh que c’est intéressant, quand on le rapproche de tout ce qu’on a dit sur le décalage signifiant / signifié du jeu symbolique par rapport aux habitudes sociales. Enfin, le langage permet de complexifier les jeux symboliques, après 2 ans et plus tard. L’hypothèse est que les enfants, tout en jouant, ont le souci d’être compris par autrui et donnent verbalement des précisions. Edy Veneziano fait partie des nombreux chercheurs qui voient dans les premiers jeux symboliques « une certaine compréhension du mental d’autrui« . On aurait ici une base de la future T.O.M.
La petite Olivia qu’on connaît pour son style d’acquisition du langage oral (feuilleton –> chapitre 1, septembre) a trouvé une clé puis a cherché un endroit possible pour cette clé et on la voit ici, en train de la tourner sur une vis de sa chaise haute car elle part en voyage. Elle tend ensuite la clé à sa maman, lui fait le bisou d’adieu (réitéré) et dit « au revoir », « bon voyage », « à toute ». Le script d’un départ est parfait: des recherches montrent en effet que nombre de jeux symboliques, vers cet âge, reprennent des scripts de la vie quotidienne des enfants (voir la notion de scripts en psychologie cognitive, Blaye & Lemaire ). C’est très beau. Bravo Olivia.
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