Objectif 5

Compréhension d’histoire de fiction

Voir pages 119-132 pour la compréhension des histoires racontées, et pages 150 – 167 pour la compréhension des histoires lues.
Dans les deux cas, une étape d’explication par le maître est nécessaire, avant de poser des questions aux enfants! Et parfois, un décor et des objets peuvent étayer la compréhension.
Voici des jeux où les enfants sont en compréhension intense, aux 3 niveaux de la maternelle.

En TPS – PS

Parfois les objets sont des personnages (marottes) qui parlent à la 1° personne, ce qui permet aux TPS et PS de comprendre le scénario parce qu’il est dit en « langage ordinaire ». On pourra ensuite leur montrer le livre sur lequel ils retrouvent les personnages (les marottes doivent être des photocopies couleur du livre afin de faciliter l’identification). Lorsque les enfants voient le livre, ils se mettent à raconter tout seuls, oralement. C’est magique! Il n’y a aucune question à leur poser. Exemple: alors qu’ils ont entendu un cochon dire moi je vais faire une maison en bois, elle sera plus solide  (E1), ils disent en découvrant l’image çui-là i fait en bois (E2). Ainsi ils changent d’énonciation (E1 -> E2).
Dans un dernier temps, la maîtresse annonce qu’elle va lire un livre et elle précise: je ne vous le montre pas parce que vous allez comprendre sans le voir!!
Elle lit le titre et chaque page lentement. Certains enfants reconnaissent vite l’histoire « c’est les cochons! ». La maîtresse met son doigt sur la bouche: laissez les autres chercher.  Et certains vont mettre longtemps à trouver l’histoire parce qu’ils sont, là, en réception d’un 3° registre énonciatif, celui du conte écrit: « Le deuxième rencontra un bûcheron qui portait du bois. Pardon monsieur, pourriez-vous me donner un peu de bois? C’est pour me construire une maison. » (E3).

En MS

Les enfants ayant des bases de « théories de l’esprit » (voir pages 115-118), on peut leur demander d’aider d’autres enfants à comprendre.
Voici des étapes d’un travail avec des MS.

La première annonce magistrale est très précise: je vous ai apporté le livre des 3 petits cochons que vous connaissez bien, depuis l’année dernière. On va d’abord la raconter et après je vous proposerai un travail très intéressant.
Discussion sur l’histoire: la maîtresse n’a rien dans les mains. Elle reprend les propositions des enfants, en excluent quelques unes (ah non, dans cette histoire, c’est pas un renard) et en fin de séance, elle raconte seule l’histoire dans sa chronologie. Ce rappel peut être fait d’abord en atelier avec les enfants prioritaires puis en collectif.
On vérifie la conformité de l’histoire est faite avec les illustrations et le texte du livre.

La deuxième étape est l’annonce du challenge! Vous allez faire une maquette, une construction avec les maisons de l’histoire des trois petits cochons. Quand vous aurez fini cette maquette, vous vous entraînerez à raconter l’histoire aux petits. On ira dans leur classe et vous leur raconterez l’histoire et il faudra qu’ils comprennent bien.
Evidemment, cette étape passionne les enfants. En atelier, ils ont une mission qui correspond à illustrer un épisode de la narration, sous forme de construction. La maîtresse ne perd jamais son objectif 5: ah, voilà la maison de bois terminée, vous pensez qu’elle va avant ou après le travail du groupe maison de briques? Il ne s’agit pas d’une question fermée mais d’un questionnement: les enfants doivent réfléchir, se souvenir que la maîtresse a expliqué et montré que dans cette histoire, les maisons étaient de plus en plus solides. C’est un facteur pertinent pour la compréhension. Ce n’est pas une question de simple mémorisation chronologique.

A la fin du travail de construction de nombreux ateliers ont eu lieu. Les enfants prennent alors les personnages et chacun leur tour, doivent choisir le « bon » décor et raconter le « bon » épisode. La présentation chez les petits sera la conclusion.
Tout au long de ce travail, l’étayage magistral est de type: comment vous pourriez mieux expliquer pour que les petits comprennent?

3cochons6les 3 maisons

3cochons2 maison de bois épisode 6

3cochons4maison de briques épisode 8

3cochons7maison de briques épisode 9

En GS

En GS, j’ai vu maintes fois des lectures en réseau. J’ai toujours vu des enfants mal à l’aise en entendant une histoire qui ressemble à du connu, tout en comprenant que ce n’est pas celle qu’ils connaissent. En effet, si cette pratique de lectures avec mise en réseau d’oeuvres de littérature jeunesse est particulièrement pertinente au collège et dans les grandes classes d’élémentaire, c’est bien différent en maternelle. Jusqu’à 3 ans et demi, 4 ans, les enfants reconnaissent les histoires essentiellement grâce au support livre illustré. Et c’est difficile de leur faire écouter du texte « nu » (sans regarder des images) aussi court et simple soit-il (page 127, le jeu du livre à retrouver). A partir de la MS, ils peuvent bien écouter, mieux comprendre mais l’impact affectif qu’ont les histoires sur eux est ce qui leur permet le mieux de « classer » les histoires dans leurs têtes: dans Loulou,  ils se souviennent plus facilement du grand-père mort que du fait que ce loup est « gentil » alors que la lecture en réseau est traditionnellement basée sur l’opposition « loup méchant » VS « loup gentil ».
Ceci explique ma préférence pour d’autres activités, avec également plusieurs livres à traiter ensemble. L’exemple qui suit a été travaillé en REP.

Démarrage: Je vous explique le jeu que j’ai inventé pour vous faire travailler. Vous allez fermer les yeux pour pouvoir bien écouter. Je vais lire une page d’un livre que vous connaissez bien, mais sans vous le montrer. Vous devez trouver de quelle histoire il s’agit. Mais il ne faut pas le dire ! Je mettrai les photos de couvertures de livres au tableau. Quand vous penserez que vous avez reconnu l’histoire, vous viendrez écrire votre nom sur la feuille que vous choisisserez. Tout le monde n’aura pas la même idée, c’est normal. On regardera tout ça après. Ça vous apprend à bien écouter et à comprendre les histoires. C’est un peu difficile mais vous pouvez tous y arriver.
Ce qui est en gras relève de la métacognition, c’est très important.
Il y a plusieurs lectures successives d’une phrase – cible d’une histoire connue à l’écrit (elle a été racontée, expliquée, et lue plusieurs fois dans l’année). Exemple: « mais la vieille femme s’était à peine recouchée qu’on cogna une nouvelle fois à la porte de la maison ».

Suite du travail: je vais afficher 6 feuilles avec les photocopies des couvertures de 6 histoires que vous connaissez bien. Vous ne dites rien!! Sinon on ne peut pas jouer! Vous regardez et vous cherchez dans votre tête dans quelle histoire va bien ce que je vous ai lu. Vous avez le temps. Voilà la première. Et elle affiche La petite poule rousse (B. Barton, l’école des loisirs), sans parler. Ainsi de suite avec Les trois petits cochons (E. Feutamata et E. Kishida, l’école des loisirs), A trois on moins froid (E. Devernois et M. Gay), Comment la grand-mère se fit des amis (J. Muzi et A. Guillerey, Père Castor), Une soupe au caillou (A. Vaugelade, l’école des loisirs), Je t’ai vu! (M. d’Allancé, l’école des loisirs).
Dans les 6 histoires, les animaux sont les héros. Dans 4 d’entre elles, on frappe à la porte. Dans 4 d’entre elles, la question de l’aide à autrui est le noeud de l’intrigue. Ainsi, la réflexion des enfants va être mobilisée.

La discussion a lieu une fois que tous les enfants ont « voté ». La maîtresse connaissant les enfants, elle sait quels sont ceux qui répondront sans problème à la question comment tu as fait pour choisir cette histoire?. Elle commencera donc par les autres enfants, les prioritaires, afin d’interpréter leurs votes et de leur dire comment ils ont fait, sans leur poser la question.

Exemple: alors, Jérémy pense que j’ai lu une page de « la soupe au caillou ». Et ça pourrait être ça, je crois que tu l’as choisie parce que tu as entendu qu’un animal frappait à la porte. C’est bien. Mais tu sais que dans « la soupe au caillou », les animaux tapent à la porte de la poule. Et écoute bien, « mais la VIEILLE FEMME s’était à peine recouchée qu’on cogna une nouvelle fois à la porte de la maison ». C’est une forme d’étayage, passant par une métacognition (avec les termes mis en gras: penser que, choisir parce que, savoir que) .

Il faut arrêter le jeu en relisant la phrase cible dans le livre et en disant vous avez bien travaillé, tout le monde a essayé de comprendre ce que j’avais lu et de retrouver l’histoire. On rejouera à ce jeu.

Il y a bien d’autres façons de mettre les enfants en réflexion. Par exemple, une fois que plusieurs histoires « à point commun » (ici avec les histoires où il est question d’aide à autrui) sont connues des enfants, on peut dire, avec rien dans les mains: je vais demander à un enfant d’aller chercher dans les livres tous ceux qui parlent d’aider quelqu’un, de rendre service. Vous réfléchissez, fermez les yeux. Il faut trouver des histoires où quelqu’un aide ou n’aide pas un autre personnage.
C’est typiquement une « lecture en réseau » inversée: c’est l’adulte qui donne la clé du réseau et ce sont les enfants qui rassemblent les histoires correspondantes, en cherchant dans tout ce qu’ils connaissent déjà.
————————————————————————
Compréhension d’un récit lu avec TOM

Vidéo: Lucas, 4;04, participe au récit de son grand père et montre sa compréhension d’une inférence : les 3 animaux sont punis par la poule parce qu’ils ne l’ont pas aidée. Lucas peut penser à la pensée de la poule: c’est une forme de « théorie de l’esprit ».

Retour sur les propositions que je fais pages 152-154 du livre

Je ne dis pas que certains livres doivent être associés à un niveau d’école. Il y a un malentendu à lever pour ces critères d’analyse d’albums (personnages-aventures, états mentaux, connaissance du monde, texte écrit). Ils peuvent servir aux enseignants à 2 choses: bien connaître un livre avant de l’utiliser ET, sachant quels sont les éléments décisifs à la compréhension et quel est le potentiel développemental des enfants de cette classe à ce moment de l’année, ils peuvent se préparer à souligner certains aspects de l’histoire ou au contraire en abandonner d’autres. Le corpus qui suit concerne des utilisations de La petite poule rousse de Byron Barton (vidéo précédente). Couvrant les 3 années de scolarité, vous pouvez y voir:
– les zones de travail que l’enseignant privilégie, au détriment d’autres, jugées moins pertinentes dans la compréhension,
– l’évolution de Yohann dans son cheminement sur 3 ans.

PS
1ère présentation par M en collectif. Elle commente ORALEMENT en montrant le livre
M1 –(montre couverture) ce livre /
Enfant A– a cocotte
M2 – oui c’est l’histoire d’une poule
Enfant B- a cocotte
M3 – oui et cette poule a un nom, elle s’appelle la petite poule rousse, rousse ça veut dire un peu rouge un peu orange c’est sa couleur
Yohann1 – (regarde couverture) et né bébés
M4- oui la petite poule rousse a des bébés. (montre) En voilà un, en voilà deux, en voilà trois. Elle a 3 bébés.
Yohann2 – moi z’a un
M5- alors je vais vous raconter son histoire
M6- (montre maison) elle habite là, (montre) dans une ferme, (montre) et elle a des amis, … dit et montre
Plusieurs enfants – le cochon !
M continue en racontant oralement : elle demande à ses amis de l’aider à planter ses graines, elle leur dit « qui veut… » et ils répondent : « non non, pas moi » dit le cochon…(ajout de non non)
Yohann3- (page 16) et les bébés

En atelier plusieurs semaines plus tard, 5 enfants
M tourne les pages sans rien dire. Des interventions d’enfants
Enfant 1 – a cocotte è na des bébés
Enfant 2 – non non pas moi
Yohann – vais donner gâteau au bébé
Enfant 3 – (page 9, illustration de l’eau) y’a des oiseaux
M – ah non ils sont sur l’eau, c’est le dessin de l’eau
M lit enfin l’album en regroupement (alternance lecture = livre tourné vers enfants) une fois en mai et une fois en juin. Plusieurs enfants disent « pas moi, dit le … » pendant la lecture.

MS
M montre (sans parler) le livre en regroupement en septembre.
Enfant1 – c’est la poule !
Enfant2 – elle veut pas / veut pas manger le gateau
Enfant3 – le cochon i veut
Yohann1 – et les bébés aussi
Puis M lit et montre en alternance. Grand silence jusqu’à la fin.
M1 – il faut que je vous explique quelque chose. Dans cette histoire, ça parle de la poule, mais aussi /
Yohann2 – des bébés
M2 – oui Yohann, elle a des bébés, les bébés de la poule ça s’appelle des poussins, et elle veut leur donner du pain. Mais ça parle aussi des amis de la poule, le /
EnfantsX, Y, Z – le cochon, le chat, le cochon, le cochon
M3 – le cochon, le canard, le chat. La poule leur demande tout le temps de l’aider et ils répondent toujours non. Ils sont pas très gentils. Alors à la fin, quand le pain est fabriqué, elle leur dit « puisque vous m’avez pas aidé, je vous donnerai pas de pain ». C’est ça cette histoire. Parce que c’est pas très gentil de pas aider les copains.

GS, novembre
M1 – Voilà une histoire que certains enfants connaissent. (montre couverture)
M2- Je vais demander à Yohann ce qu’elle raconte cette histoire
Yohann1 – la petite poule et les poussins
M3- oui, la poule et ses poussins, et aussi
Yohann2- le cochon
M4 – oui ! c’est bien ! les amis de la poule ! (montre la page et pointe chacun)
Enfants dont Yohann 6 (disent les 3 noms)
M5 – et il va se passer quelque chose parce qu’elle veut faire du pain et ses amis …
Yohann3- i disent pas moi
M6 – exactement, i veulent pas l’aider. Alors à la fin/
Yohann4- elle donne qu’aux poussins
M7 – bravo Yohann ! elle va faire comme eux, elle va leur dire non, vous ne mangerez pas de pain parce que vous m’avez pas aidée

 En atelier plusieurs semaines plus tard, 5 enfants. M tourne les pages sans parler et laisse les enfants commenter
M1 – bon, vous avez bien raconté. Alors je vais vous demander quelque chose de difficile. Il faut bien réfléchir pour trouver la réponse. Regardez. (montre page 28) le pain est fini. (montre page 29) et quand elle demande aux amis s’ils en veulent ils disent oui. (montre pages 30 et 31) et pourtant elle ne leur en donne pas, c’est seulement pour ses poussins. Alors voilà ma question. A votre avis, comment ça se fait qu’elle ne donne pas de pain à ses amis ?
——————
Vous remarquerez la question en « à votre avis » qui permet de valider tous les essais. Le but n’est pas du tout d’obtenir la bonne réponse, le but est de faire réfléchir les enfants.